Le statut de « forêt de protection » est en péril
Le statut de « forêt de protection » interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements. Introduit en 1922, il demeure aujourd’hui l’outil juridique le plus efficace pour protéger les forêts publiques comme privées et fait figure d’arbre qui cache la forêt en matière de protection foncière des massifs forestiers. À l’aube de son centenaire, ce statut est pourtant confronté à une dynamique d’expansion contrariée et au vent de simplification qui tend à geler, de cime en cime, les instruments de protection de la nature.
De la lenteur de classement au dynamisme du déclassement
Les forêts de protection couvrent aujourd’hui 154 000 ha de massifs boisés métropolitains, dont 64 428 hectares en Ile-de-France, ce qui en fait la région la mieux dotée de France. Derrière ce chiffre, la situation des massifs concernés paraît moins reluisante, au regard de la pression foncière comme des activités extractives qui y sont exploitées. La procédure de classement est, en effet, longue et sinueuse, le préfet recueillant au préalable l’avis des maires et propriétaires sous une forme qui tend vers la négociation. Entre la reconnaissance de bois et forêts à « classer » et le classement stricto sensu, peuvent se dérouler des décennies au cours desquelles les périmètres sont contestés et généralement réduits, principalement au profit de l’extension urbaine. C’est le cas de la forêt de Bondy qui a été classée en 2022, alors que sa superficie a diminué significativement ces dix dernières années. Protéger dans le temps long donc, certes, mais sans se hâter. Parmi les sept forêts franciliennes « à classer », on peut citer l’exemple de la forêt de Meudon, dont le classement est dit « prioritaire » depuis 2006, mais a été coupée depuis par la nationale 118 et les trams T6 puis T10. Plus avancé, le classement de la forêt de Montmorency a fait l’objet d’une enquête publique en 2022 à l’issue d’un processus long et périlleux. Heureuses de voir ce projet sur le point d’aboutir, les associations ont cependant regretté un périmètre de classement fortement morcelé et discontinu, dont ont été exclus de nombreux espaces boisés classés et corridors de biodiversité. Cela donne le sentiment que les forêts de protection ne naissent que de victoires à la Pyrrhus et qu’un projet de classement fait peser sur une forêt le risque d’une anticipation moins-disante de la part des élus du territoire.
Gypse et dérogations opportunistes
Si la procédure n’est pas une sinécure, le classement n’aboutit pas davantage à une sanctuarisation des forêts classées. En premier lieu, le classement n’emporte pas de conséquence sur le type de gestion sylvicole employé, ce qui limite la portée du statut en matière de biodiversité. Par ailleurs, une forêt de protection n’est jamais à l’abri d’un déclassement partiel, au gré des enjeux économiques du territoire. C’est le cas de la forêt de Fontainebleau, qui a vécu en 2017 sa cinquième enquête publique complémentaire, aboutissant à un déclassement partiel. Enfin, les exceptions au principe de protection contenues dans le Code forestier se multiplient et fragilisent le statut. Un décret de 2018 a introduit la possibilité d’y mener des travaux de recherche et d’exploitation souterraine de gisements de gypse. Le bassin parisien concentrant 70% des ressources françaises de gypse, ce dernier y est extrait dans trois forêts classées. Au printemps dernier, le gouvernement a soumis à consultation un projet de décret prévoyant de nouvelles exceptions au principe de protection tout en simplifiant la procédure de déclassement, qui ne passera plus par un décret en Conseil d’État. C’est donc à l’heure où la forêt de protection nécessite un renforcement structurel que l’urgence profite à son allégement.
✍️ Maxime COLIN
Juriste à FNE Ile-de-France
Cette article est issu du Liaison n°201 spécial forêts franciliennes : Consulter le Liaison 201.