Le trésor fragile des sols forestiers
« Le sol, c’est un patrimoine, notre devoir est de le transmettre ».
Marc-André Selosse
Il y a plus d’êtres vivants dans une poignée de sol forestier que d’êtres humains sur Terre. La plupart sont microscopiques, beaucoup restent inconnus. Un gramme de sol forestier contient un milliard de bactéries et cent mille champignons. Ces dizaines de milliers d’espèces et ces milliards d’êtres vivants interagissent pour produire et maintenir l’écosystème forestier. C’est cette vie foisonnante du sol qui donne à la forêt sa résistance en présence d’une perturbation. Ce sont aussi les innombrables interactions qui permettent sa résilience après une perturbation importante. Il y a les macro-invertébrés : les cloportes, mille-pattes, vers de terre, termites, fourmis…
Ce sont les « ingénieurs physiques » qui structurent et brassent le sol pour maintenir sa porosité à l’air et à l’eau, la distribution spatiale des ressources en matière organique et en eau ainsi que la dispersion des graines. Il y a les « ingénieurs chimistes » : les bactéries et champignons. Ils transforment la matière organique en éléments minéraux dans une forme qu’ils rendent assimilable par les racines des arbres, aidées des champignons dans l’immense réseau mycorhizien d’échanges. Il y a les « ingénieurs régulateurs » qui contrôlent la décomposition de la matière organique ainsi que les maladies et les parasites : les nématodes, collemboles, acariens. Ils forment des chaînes alimentaires qui contrôlent la prolifération des microorganismes du sol.
Cette fabuleuse biodiversité anime dans le sol les cycles du carbone, de l’azote, du phosphore qui conditionnent la vie de la partie aérienne, visible, des arbres. C’est l’abondance et la diversité des organismes du sol qui œuvrent aux grandes fonctions écologiques des forêts pour l’atmosphère respirable, la circulation et la filtration de l’eau, la production de sols fertiles, l’amortissement des extrêmes climatiques. L’accélération du changement climatique est une perturbation majeure. Nous savons maintenant que les forêts anciennes, peu perturbées par l’action des hommes, résistent mieux grâce au volume et à la biodiversité de leurs sols.
Au contraire, les coupes importantes, surtout des arbres les plus forts, détruisent la biodiversité du sol. Ainsi, les coupes contiguës amoindrissent les fonctions écologiques des sols forestiers, celles qui contribuent aux grands cycles de la biosphère dont nous dépendons d’autant plus que nous les ignorons.
Jean-Claude MARCUS
Président de l’université populaire de la biosphère
Cette article est issu du Liaison n°201 spécial forêts franciliennes : Consulter le Liaison 201.