La forêt brûle et le CESER par son avis sur la filière bois attise le feu
En 2010, la forêt française captait 15 % des émissions nationales de gaz carbonique soit 60 millions de tonnes, en 2020, elle n’en capte plus que 7,5 %, la chute est vertigineuse et très rapide. Ainsi, les forêts des régions Hauts-de-France et Grand Est ne fixent plus de gaz carbonique mais sont devenues émettrices de ce gaz, en raison de mortalité accrue (sécheresse, maladies, incendies) et de trop de prélèvements. L’Académie des Sciences dans son rapport sur la forêt paru en juin 2023 alerte l’État et les Français sur la crise que traversent les forêts françaises et propose des solutions. France Stratégie, agence gouvernementale de prévisions, suggère, dans sa note d’analyse 124 de juillet 2023, de réorienter la filière forêt-bois ainsi que sa stratégie Bas-Carbone.
En dépit de ces alertes, le CESER vient de voter un avis qui pousse la filière bois en Ile-de-France à augmenter ses prélèvements à la fois pour la construction, l’industrie mais surtout pour le chauffage individuel et collectif.
Le CESER ne cesse de dénoncer les délais qui lui sont imposés pour élaborer ses avis et celui-ci n’échappe pas à cette critique. Le CESER est une assemblée plurielle qui a besoin de temps pour élaborer des avis équilibrés. Les nombreuses critiques qu’a suscitées ce rapport en séance plénière montrent que sans échanges préalables des données fondamentales, telles que le réchauffement climatique et la souffrance des forêts, sont ignorées. Ne pas connaître la biologie et les écosystèmes forestiers est grave. On ne peut plus parler du bois-énergie comme une énergie renouvelable comme les autres pour deux raisons, le temps de renouvellement est très long 50 à 80 ans, si les conditions climatiques s’y prêtent, et la baisse de la captation du carbone qui s’amplifie, la hausse des températures ralentissant le processus de fixation du carbone. Des scientifiques du GIEC, de l’Académie des Sciences et de France Stratégie suggèrent que nos forêts ne capteront plus de carbone à partir de 2030.
Augmenter la production de bois énergie en Ile-de-France revient alors à scier la branche sur laquelle on est assis. En outre, le chauffage au bois pollue l’air autant que le trafic routier régional.
Il est difficile d’imaginer que ces objections sont le fait de « minorités radicalisées ». L’ONF a fait réaliser une enquête d’opinion en novembre 2022 par l’institut Viavoice en Ile-de-France 63 % pensent que couper du bois pour le commercialiser est une mauvaise idée.
Le CESER pousse à augmenter les plantations d’arbres en privilégiant les résineux puisque c’est ce que demandent les constructeurs de maisons et d’immeubles en bois. Là aussi, les sylviculteurs oublient que ces résineux sont frappés par les ravageurs tels les scolytes et que la replantation actuelle des résineux a un taux de perte de 70 %. Une gestion modérée anticipant les effets du réchauffement climatique doit permettre de conserver toutes les aménités positives apportées par les forêts franciliennes urbaines et périurbaines aux franciliens : abaissement de la température de l’air, maintien de réserve d’eau, maintien de la biodiversité et refuge anti stress des franciliens. Paradoxalement, elle retrouverait ainsi sa signification ancienne, du latin « foris » en dehors du village, lieu de refuge lors des invasions.
En résumé, France Nature Environnement Ile-de-France demande au Conseil Régional de ne pas suivre les conseils du CESER concernant le bois-énergie et souhaite que le Conseil se penche sur la valorisation des feuillus dans la construction, l’industrie et la gestion forestière.
Contact presse :
Michel Riottot - michel.riottot@orange.fr