Développer l'usage du vélo
Les associations veulent récupérer de la place sur les voitures grâce à des pistes cyclables. Pourtant il y a toutes sortes d’autres moyens pour faire « cohabiter » les modes, ou, du moins, de permettre aux plus faibles de ne pas être chassés par les plus forts.
Du laniérage à la place publique, de la route structurante à l’aire piétonne, de la séparation protectrice à la cohabitation paisible. Il faut décider clairement quels sont les axes pour lesquels on assume qu’ils sont majeurs pour le trafic motorisé, et décider que partout ailleurs l’automobile est une invitée encombrante.
A toute voie majeure (RN ou RD, voie express…) seront accolées des pistes cyclables larges et solides, à un seul ou double sens selon le contexte et les besoins.
Les pistes à double-sens de Paris ont pour avantage d’être très visibles et de rendre visibles les cyclistes. C’est un acte politique non-négligeable. Un autre est que les secours peuvent les utiliser pour éviter les encombrements. Elles fonctionnent bien le long d’un cours d’eau, avec peu d’intersections. Mais ailleurs en ville c’est moins sûr.
En secteur dense ces lourdes pistes compliquent les carrefours et bifurcations, dénaturent la symétrie des rues, et renforcent leur fonction circulatoire au détriment de l’urbanité. Elles compliquent livraisons, ramassage des ordures, stationnement ou arrêts-minutes … Elles reportent les accidents aux carrefours, par la rencontre brutale de véhicules aux comportements très différents et aux masses fortement inégales.
Par contre faire des accès protégés vers les écoles, via chemins et autres, a tout son intérêt pour que les enfants se déplacent par leurs propres moyens et adoptent le vélo. Cela exige une réelle continuité soignée depuis les résidences jusqu’à l’école. Ce ne sont pas forcément les mêmes axes que pour les adultes, qui rechignent aux contraintes.
Protéger est indispensable pour les enfants, les débutants et les personnes fragiles, et devient contre-productif dès l’âge où l’on doit et peut se frotter aux obstacles et difficultés.
Ségrégation ou cohabitation ?
Dans l’absolu il faudrait que la cohabitation soit possible, c’est-à-dire que les motorisés se comportent en invités. On l’obtient par des plans de circulation en boucle ou tordus, des rond-points et placettes, des changements d’ambiance et des entrées marquées, des couloirs réservés … Aux Pays-Bas, dont on se recommande tant, mais aussi en Suisse par exemple, le principe est que les grand-routes sont bordées de pistes et que les aménagements s‘allègent à mesure que l’on s’approche du centre. Même les autobus finissent par passer à 5 à l’heure.
C’est par facilité qu’on exhorte les automobilistes à « partager la route » sans autre forme de procès. Mais créer des pistes bien séparées n’est pas non plus la panacée.
Ce n’est ni cohabitation sans organisation, ni séparation draconienne, qu’il nous faut. Il nous faut une cohabitation finement organisée, et une séparation dans les cas graves.
Isabelle LESENS
Conseillère du 15e arrondissement, déléguée aux mobilités actives
Responsable du blog Isabelle et le vélo