À la « Fabrique végétale » on cultive la diversité
Non, grande culture ne veut pas forcément dire grande exploitation, culture intensive, industrialisation, circuit long, et par voie de conséquence pollutions par les pesticides, perte de biodiversité, uniformisation des paysages…
Pour s’en convaincre, il suffit de venir à la ferme de Claire et Rémi Seingier à Lumigny (77), qui conjugue production de « graines », de plantes aromatiques et médicinales, de fleurs, agroforesterie, agriculture biologique, circuit court… et où l’on se revendique « paysan ».
Bien que fils d’agriculteurs ayant passé son enfance à la ferme, Rémi Seingier n’envisageait pas de devenir lui-même agriculteur. En revanche, il voulait travailler dans le végétal et pendant plus de dix ans il exerça la profession de jardinier paysagiste. Le déclic se produisit lorsqu’il découvrit l’agroforesterie lors d’un voyage au Brésil, en 2008, et prit conscience de l’importance et de la fragilité des sols fertiles vis-à-vis des enjeux alimentaires, ce qui le poussa à parfaire ses connaissances théoriques par une troisième année de licence de biologie du végétal, à envisager de prendre la suite de ses parents et à concevoir un plan agroforestier. C’est ainsi qu’une parcelle de 38 ha mise à disposition par Terre de liens fut plantée en 2015.
L’agroforesterie : cultiver les différentes strates végétales
Il s’agit d’intégrer plusieurs strates végétales au sein du système de production agricole : annuelles, arbustives, arborescentes. L’arbre, associé à la couverture des sols est une ressource et un outil de revalorisation des milieux, dont les impacts sont positifs sur les enjeux liés aux changements climatiques, à l’appauvrissement de la biodiversité et à la gestion de la qualité des eaux.
Rémi a désormais le projet de passer à 20 ha supplémentaires en agroforesterie.
La fabrique végétale
A eux deux, Rémi et Claire disposent en fermage de 125 ha qu’ils cultivent en totalité en agriculture biologique, Rémi cultive 100 ha (dont les 38 ha de Terre de liens en agroforesterie) en grandes cultures, Claire dispose de 25 ha pour les plantes aromatiques et médicinales, 3 ha sont cultivés en fleurs, les 22 ha restants étant intégrés dans la rotation grandes cultures : céréales (cinq espèces différentes), oléagineux (colza, tournesol, chanvre), protéagineux (lentilles, pois). Entre également dans la rotation la culture de pommes de terre de plein champ.
Alimentation locale, circuit court
La ferme possède une presse à huile et fabrique des huiles de tournesol, colza, chanvre. Les céréales sont transformées en farine dans un moulin situé à 10 km de la ferme, qui sera prochainement équipée de son propre moulin. Claire a son alambic pour faire ses huiles essentielles et hydrolats. Toute la gamme de produits est vendue en vente directe ou en circuit court avec au plus un seul intermédiaire entre la ferme et le consommateur. Seules les productions comme le soja et le pois fourrager participant à l’assolement sont vendues en coopératives.
L’annonce déposée proposant 3 ha à un maraîcher de façon à compléter la gamme de produits vendus n’a pas encore trouvé preneur, pour des raisons liées à la difficulté de trouver un logement.
Le souci du sol, du terroir, des paysages et autres impacts
Rémi Seingier n’oriente pas ses choix uniquement sur des critères de production, mais aussi en fonction de leur impact sur les paysages, les sols, la biodiversité, le bilan carbone. Alors il expérimente, recherche les bonnes associations.
Il prouve qu’une ferme de 125 ha a une viabilité économique et peut faire travailler plus de monde qu’une entreprise agricole plus grande. A ceux qui veulent s’installer en agriculture biologique il lance le message « Restez en Île-de-France, vous y avez une mission à remplir ».
Jane BUISSON
Secrétaire générale de FNE Ile-de-France