Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets d'Île-de-France
La révision de la Directive 2008/98/CE 008/98/CE relative aux déchets a été votée par le Parlement européen le 18 avril 20181. Le Conseil européen l’a adoptée le 22 mai : « Le train de mesures ayant été adopté par le Conseil, il entrera en vigueur vingt jours après sa publication au Journal officiel »2. Cette publication devrait arriver dans le mois à venir. Le conseil européen a indiqué que la directive « fixe de nouvelles règles relatives à la gestion des déchets et établit des objectifs juridiquement contraignants en matière de recyclage. ». La directive précise que « d’ici 2025, la préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets municipaux passent à un minimum de 55 % en poids ». Cet objectif est porté à 60 % en 2030 et 65 % en 2035.
FNE Île-de-France demande avec insistance que cette nouvelle version de la directive soit prise en compte dans les travaux actuels d’élaboration du PRPGD et que ses conséquences soient présentées lors de la prochaine CCES :
- Premièrement, le PRPGD encourrait un fort risque juridique d’annulation si la directive n’était pas prise en compte ou se retrouverait obsolète dès sa mise en œuvre;
- Deuxièmement, la directive précise clairement les objectifs de recyclage assignés assigné aux déchets municipaux et clarifie ainsi le flou laissé dans l’interprétation des objectifs de valorisation matière de la LTECV.
FNE Île-de-France considère que notre région doit être exemplaire en matière d’application des textes européens. La mise en œuvre d’une économie circulaire dans notre région ne peut que passer par la prise en compte des objectifs de réemploi et de recyclage à la hauteur de ceux des autres régions européennes.
FNE Île-de-France demande également que les révisions des directives 94/62/CE, relative aux emballages et aux déchets d’emballages, et 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, soient également prises en compte dans le PRPGD. Ces directives fixent respectivement des objectifs plus contraignants que la LTECV sur, respectivement, le recyclage des emballages par type matériaux et la limitation de mise en décharge.
La présente note a pour objectif de justifier la prise en compte de la révision de la directive européenne relative aux déchets.
REMISE EN QUESTION DE L’INTERPRÉTATION DE LA LTECV ET DES OBJECTIFS DE VALORISATION MATIÈRE.
Dans chaque groupe de travail du PRPGD, l’objectif de valorisation matière de la LTECV est régulièrement rappelé : 55 % des DNDNI en 2020 et 65 % en 2025. Dans le groupe de travail du 10 avril 2018 « prévention, collecte, tri et valorisation des déchets des entreprises », la région a précisé que : « le taux [de valorisation matière] s’applique aux déchets non dangereux et non inertes produits par les ménages et les activités économiques, donc l’ensemble des DAENDNI et DMANDNI. » 3 .
Cette interprétation de la LTECV est discutable, puisque le point 4 de l’article L. 541-1 du Code de l’environnement précise que : « Le service public de gestion des déchets décline localement ces objectifs pour réduire les quantités d’ordures ménagères résiduelles après valorisation. ». Ainsi, un objectif aurait dû être appliqué aux DMA.
La conséquence de l’interprétation retenue dans le PRPGD était que plus les DAE avaient un fort taux de valorisation matière (sur lequel pèse une forte incertitude due à l’estimation de ce flux), moins l’objectif sur les DMA était important. De plus, plus le terme « valorisation matière »4 n’étant pas défini dans le Code de l’environnement, il était difficile de savoir si la valorisation des mâchefers d’incinération devait être prise en compte ou pas.
La directive européenne relative aux déchets vient mettre fin à ce flou :
1. L’objectif à atteindre est défini en termes de recyclage et non de valorisation matière.
La directive précise que « d’ici 2025 5 , la préparation en vue du réemploiploi et le recyclage des déchets municipaux passent à un minimum de 55 % en poids ». Ainsi l’objectif est exprimé pour « recyclage ». Le terme « valorisation matière » 6 a été également défini pour montrer ces différences avec le terme recyclage. La valorisation matière prend en compte la valorisation des mâchefers d’incinération ce que ne prend pas en compte le recyclage.
2. L’objectif est assigné aux déchets municipaux.
Une définition des « déchets municipaux » a été posée dans la directive. Elle n’existe pas encore dans le Code de l’environnement.
POURQUOI LA DIRECTIVE EST PLUS CONTRAIGNANTE QUE LA LTECV ET IMPOSE UN ÉTAT D’URGENCE SUR LES ACTIONS À METTRE EN ŒUVRE POUR ATTEINDRE LE NOUVEL OBJECTIF DE RECYCLAGE.
L’état des lieux du PRPGD indique les taux de recyclage suivants pour les DAE et les DMA :
- Déchets d’activité économiques - DAE – environ 6.1 Mt dont 58 % sont recyclés ;
- Déchets ménagers et assimilés - DMA – environ 5.5 Mt dont 22 % 7 sont recyclés.
Le taux de recyclage des déchets non dangereux en 2015 est donc d’environ 41 % (la prise en compte des inertes dans ce calcul ne modifierait pas de manière significative le résultat). Ce taux serait à comparer à l’objectif de la LTECV, 65 % en 2025. La marche serait donc de 24 points.
Par contre lorsque l’on compare le taux de recyclage des DMA, 22 %, , à l’objectif de la directive européenne 55 % en 2025, la marche à franchir est plus importante : 33 points.
Cette première évaluation qui restreint les « déchets municipaux » aux seules DMA, ne sera pas foncièrement modifiée une fois la définition des « déchets municipaux » établie par le ministère de l’environnement. En effet :
- D’une part, les autres déchets (autres que les DMA) englobés dans les déchets municipaux n’ont pas un taux de recyclage très différent ;
- D’autre part, la a directive européenne indique que les déchets municipaux représentent entre 7 et 10 % de la quantité totale de déchets produite dans l’Union européenne (en France, les DMA représentent 10 % des déchets totaux, et en Île-de-France 16 %).
FNE Île-de-France regrette que pour le moment, le taux de recyclage des DMA de 22,4 % n’ait pas encore été analysé ni présenté en groupe de travail ou lors des deux dernières CCES et qu’aucune discussion, après 2 ans de travaux, n’ait eu lieu sur les objectifs à assigner aux DMA et maintenant aux déchets municipaux.
POURQUOI ASSIGNER UN OBJECTIF UNIQUEMENT AUX DÉCHETS MUNICIPAUX ?
La directive européenne est très claire sur ce point :
« Les déchets municipaux représentent entre 7 et 10 % de la quantité totale de déchets produite dans l’Union européenne. Or, ce flux de déchets est l’un des plus complexes à gérer, et la manière dont il l’est donne en général une bonne indication de la qualité de l’ensemble du système de gestion desdéchets d’un pays. Les défis liés à la gestion des déchets municipaux tiennent à la grande complexité et à la diversité de la composition du flux de déchets, au fait que les déchets sont produits à proximité immédiate des citoyens, à la très grande visibilité de cette question auprès s du grand public et à son impact sur l’environnement et la santé humaine. La gestion des déchets municipaux nécessite dès lors un système hautement complexe, comprenant un mécanisme de collecte efficace, un système de tri efficace et un suivi approprié des flux de déchets, la mobilisation des citoyens et des entreprises, une infrastructure adaptée à la composition des déchets et un système de financement élaboré. Les pays qui se sont dotés d’un système efficace de gestion des déchets municipaux sont en général plus performants dans la gestion globale des déchets, y compris dans l’atteinte des objectifs de recyclage. ».
DÉFINITION DES DÉCHETS MUNICIPAUX.
La définition des « déchets municipaux » est maintenant la suivante :
« a) les déchets en mélange et les déchets collectés séparément provenant des ménages, y compris le papier et le carton, le verre, les métaux, les matières plastiques, les biodéchets, le bois, les textiles, les emballages, les déchets d’équipements électriques et électroniques, les déchets de piles et d’accumulateurs, ainsi que les déchets encombrants, y compris les matelas et les meubles ;
b) les déchets en mélange et les déchets collectés séparément provenant d’autres sources lorsque ces déchets sont similaires par leur nature et leur composition aux déchets provenant des ménages ; ».
De plus, la directive précise que « les déchets provenant de grandes entités commerciales et industrielles qui ne sont pas similaires aux déchets provenant des ménages n’entrent pas dans la définition de déchets municipaux. Les déchets issus de la production, de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de la construction et de la démolition, des fosses septiques et des réseaux d’égouts et des stations d’épuration , ainsi que les véhicules hors d’usage sont exclus de la définition de déchets municipaux. »
Pour définir la similarité aux déchets des ménages, chaque État membre pourra préciser le périmètre des déchets municipaux 8. Le représentant du ministère de l’environnement a précisé, lors du colloque du 23 mai organisé par Amorce sur les limites du SPGD, que :
- La directive européenne sera traduite en droit français d’ici la fin de l’année ;
- Une définition des déchets municipaux va être établie.
Selon le Code général des collectivités territoriales 9 , trois éléments doivent être pris en compte pour définir les déchets non ménagers assimilables à ceux des ménages :
- Ils doivent avoir les mêmes même caractéristiques ;
- Ils doivent être collectés et traités sans sujétions techniques particulières ;
- Ils ne doivent pas dépasser une certaine quantité.
Ces deux derniers points permettent de dire que la future définition des déchets municipaux sera plus large que celle actuelle des déchets ménagers et assimilés. Le terme « similaire », aux déchets des ménages, de la définition des déchets municipaux ne doit pas être confondu avec le terme « assimilable ».
Les déchets municipaux ne correspondent donc pas uniquement aux DMA.
CONSÉQUENCE SUR L’ÉTAT DES LIEUX DU PRPGD.
Une révision immédiate de l’état des lieux de la gestion des DAE présenté dans les groupes de travail doit être effectuée.
En effet, l’état des lieux actuels prend en compte dans les DAE les déchets des collectivités 10 . Ce flux, qui comprend par exemple les déchets des marchés alimentaires ou les corbeilles de rue, est intégré dans les déchets municipaux. Ces déchets dont les caractéristiques sont bien différentes des déchets des grandes entreprises de production ou des grandes entités commerciales n’ont rien à faire dans les DAE. De plus, étant gérés par les collectivités, un suivi et une quantification précise peuvent être réalisés.
De plus, les déchets « similaires par leur nature et leur composition » aux déchets des ménages et qui ne sont pas des DMA ou des déchets des collectivités doivent également être sortis de l’état des lieux actuel des DAE.
Pour réaliser cet exercice, FNE Île-de-France demande que le PRPGD identifie clairement le périmètre du service public de chaque collectivité en charge de la collecte des déchets. Le règlement de collecte de ces collectivités doit préciser la quantité maximale pouvant être collectée auprès d’un producteur non ménager (Article R. 2224-26 Code général des collectivités territoriales).
En dehors de ce périmètre, le service public intervient dans un domaine concurrentiel : à partir de la quantité fixée dans le règlement de collecte, les déchets des producteurs non ménagers ne sont pas assimilables à ceux des ménages. Dans ce domaine concurrentiel, les collectivités se doivent de signer un contrat avec les producteurs non ménagers et d’appliquer la TVA à la tarification proposée. Ces prestations ne peuvent pas être financées par la TEOM ou la redevance spéciale (RS).
Les précisions apportées sur le périmètre du service public permettront de mieux spécifier les déchets municipaux et de mieux mettre en œuvre les obligations de tri des producteurs non ménagers.
Il est à noter qu’en Île-de-France, un grand nombre de collectivités en charge de la collecte n’ont pas encore fixé la quantité maximale pouvant être collectée auprès d’un producteur non-ménager. Cela est pourtant une obligation depuis le 1 juillet 2016.
POURQUOI LA RÉVISION DE DIRECTIVE DOIT ÊTRE PRISE EN COMPTE DANS LES PRPGD ?
Dès la publication au journal officiel européen, les PRPGD ne pourront s’abstenir de considérer la directive. En effet, le cas échéant, leur validité juridique sera regardée par les tribunaux administratifs en fonction du droit européen au jour de la décision. De plus, les États membres devront avoir transposé en droit national ces nouvelles dispositions dans les 24 mois après la date d’entrée en vigueur de la directive, c’est-à-dire courant 2020. Cette date sera extrêmement proche de la date de promulgation du PRPGD d’Île-de-France.
NE PAS RETOMBER DANS LA PROBLÉMATIQUE DU PREDMA.
Le précédent plan régional, PREDMA, a été voté juste avant les lois issues du Grenelle de l’environnement. Ces objectifs n’ont donc pas pu être pris en compte dans le plan appliqué depuis 2009. Ainsi, depuis bientôt dix ans la prévention et de la gestion des déchets est encadrée par un plan ne prenant en compte ni les objectifs de recyclage assignés aux déchets ménagers et assimilés, ni la priorité donnée au tri à la source des biodéchets (Pour rappel, le PREDMA ne prévoyait aucun tri à la source des biodéchets et ne considérait pas l’objectif d’orienter 45 % des DMA vers le recyclage en 2015)
1 Lien vers le texte voté par le Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA-2018-0114+0+DOC+PDF+V0//FR
2 Voir la communication du conseil
3 Voir le Compte rendu du groupe de travail du 10 avril 2018,p. 5.
4 Seul le terme « valorisation » est défini dans le Code de l’environnement, Article L541-1.
5 À noter que des objectifs sont également assignés pour 2030 et 2035.
6 Définition valorisation matière :« toute opération de valorisation autre que la valorisation énergétique et le retraitement en matières destinées à servir de combustible ou d’autre moyen de produire de l’énergie. Elle comprend notamment la préparation en vue du réemploi, le recyclage et le remblayage. ».
7 Gestion des déchets ménagers et assimilés en Île-de-France• données 2015, , ORDIF, décembre 2017, p. 74 et 75.
8 Précision de la directive : « Les règles établies dans la présente directive permettent la mise en place de systèmes de gestion des déchets dans lesquels les municipalités ont la responsabilité globale de collecter les déchets municipaux, de systèmes au sein desquels ces services sont confiés à des organismes privés, ou de tout autre système de répartition des compétences entre les acteurs publics et privés. Le choix de ces systèmes et la décision de les modifier ou non demeurent du ressort des États membres. »
9 Article L. 2224-14 et R. 2224-33.
10 La directive précise que : « Les déchets municipaux sont définis comme les déchets provenant des ménages et les déchets provenant d’autres sources, comme le commerce de détail, les administrations, l’éducation, les services de santé, les services ces d’hébergement et de restauration, et d’autres services et activités, qui sont similaires, par leur nature et leur composition, aux déchets provenant des ménages. En conséquence, les déchets municipaux englobent, entre autres, les déchets provenant de l’entretien des parcs et jardins, tels que les feuilles, les tontes de gazon et les tailles d’arbres, ainsi que les déchets de fin de marchés et les déchets des services de nettoyage des rues, tels que le contenu des poubelles publiques et les balayures de rues, à l’exception de matières telles que le sable, la pierre, la boue ou la poussière. Les États membres sont tenus de veiller à ce que les déchets provenant de grandes entités commerciales et industrielles qui ne sont pas similaires aux déchets provenant des ménages n’entrent pas dans la définition de déchets municipaux. Les déchets issus de la production, de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de la construction et de la démolition, des fosses septiques et des réseaux d’égouts et des stations d’épuration, ainsi que les véhicules hors d’usage sont exclus de la définition de déchets municipaux. »