La séquence ERC, un outil mal maîtrisé
La séquence éviter-réduire-compenser (ERC) doit s’appliquer en théorie, de manière proportionnée aux enjeux, à tous types de plans, programmes et projets. Bien qu’elle soit largement connue aujourd’hui, l’intégration de cette démarche dans les procédures reste pour le moment lacunaire.
La séquence ERC a été introduite en droit français par la loi de 1976 relative à la protection de la nature. Cette loi imposait notamment que les études préalables aux projets risquant de porter atteinte à l’environnement soient accompagnées d’une étude d’impact contenant « les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ».
Afin de renforcer l’efficacité de ce mécanisme, la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité a intégré au code de l’environnement un chapitre consacré à la compensation des atteintes à la biodiversité. En parallèle, cette même loi a ajouté au principe d’action préventive et de correction des atteintes à l’environnement une mention de la séquence ERC. Il est désormais inscrit à l’article L.110-1 que « ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites (…) ».
Cette définition rappelle clairement la hiérarchie entre les trois types de mesures et le caractère subsidiaire de la compensation, qui ne doit être envisagée en principe, que lorsque les mesures d’évitement, puis de réduction, ont été programmées.
Schématiquement, l’évitement consiste à supprimer complètement l’impact du projet sur l’environnement. La réduction ne permet que d’effacer partiellement les conséquences négatives du projet. Enfin, la compensation est une plus-value écologique équivalente à la perte engendrée par le projet.
Bien que ces notions paraissent claires et distinctes les unes des autres, l’étude De la théorie à la pratique de la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC)1 réalisée en 2016 par plusieurs chercheurs en écologie démontre une réelle méconnaissance de cette séquence par les aménageurs. Sur environ 350 mesures, les auteurs constatent notamment que dans 60 % des cas, la qualification donnée à la mesure dans l’étude d’impact n’est pas conforme aux définitions de référence nationale2. Ainsi, après reclassification selon ces définitions, il s’avère que 90 % sont des mesures de réduction, 6 % des mesures de compensation, alors que les mesures d’évitement ne représentent que 1 % de celles mises en place.
Les auteurs expliquent ces chiffres principalement par une confusion entre les actions d’évitement et de réduction. Beaucoup de mesures sont présentées comme permettant d’éviter un impact sur l’environnement alors qu’elles ne font qu’en réduire la portée. A titre d’exemple, l’adaptation du calendrier des travaux au cycle de vie des espèces ou le maintien d’une partie d’un corridor écologique sont des mesures de réduction, alors qu’elles sont très souvent présentées comme des mesures d’évitement.
Face à ce constat, le Conseil d’Etat3 souligne que « l’évitement [est] une étape souvent évitée ». Il propose ainsi que les grands principes applicables à la mise en œuvre de l’évitement et de la réduction soient définis au sein du code de l’environnement, comme c’est déjà le cas pour la compensation.
Voir le guide de FNE Languedoc-Roussillon Eviter les impacts sur l’environnement au sens de la séquence ERC -Eviter > Réduire > Compenser
http://fne-languedoc-roussillon.fr
Léo de LONGUERUE
FNE Ile-de-France
1 https://journals.openedition.org/developpementdurable/12032#tocfrom1n2
2 Doctrine nationale « éviter, réduire, compenser », 2012
3 Rapport du Conseil d’Etat n°517