Comment s’organiser pour permettre le tri des biodéchets à la source ?
Matinée d’étude chez Moulinot, en partenariat avec GRDF
A partir du 31 décembre 2023, la loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prévoit la généralisation du tri à la source des biodéchets. Une échéance qui demande une préparation et une organisation en amont de la part des collectivités, des entreprises et des associations. C’est dans cette optique que le 12 juillet 2022, France Nature Environnement Île-de-France, associé pour l’occasion avec GRDF, FNE 93 et PikPik Environnement, ont organisé une matinée d’étude sur le site de l’entreprise Moulinot à Stains (93).
Une matinée pour en savoir plus sur la filière de gestion des biodéchets
On estime que les déchets organiques représentent 30% des ordures ménagères. En l’absence de tri, ces déchets sont incinérés ou enfouis en décharge, un véritable désastre écologique alors que cette matière pourrait être valorisée. L’enjeu est de taille pour une région qui accueille un quart de la population française et produit par conséquent près de 2 millions de tonnes de déchets alimentaires par an.
Depuis la loi Grenelle II de 2012, les entreprises et administrations qui produisent une quantité importante de déchets alimentaires doivent assurer le tri à la source en vue d’une valorisation organique. Plusieurs seuils ont été établis de manière à atteindre progressivement 100% des déchets alimentaires triés à la source au 1er janvier 2024. Cet objectif sera également applicable à l’ensemble de la population à cette date. Le but de cette matinée d’étude était d’avoir une approche globale de la filière de la collecte au traitement par méthanisation en passant par le pré-traitement des déchets (déconditionnement et hygiénisation). Basée sur les témoignages des acteurs, la matinée a permis d’identifier les freins à la mise en place de la filière et la manière dont les lever pour valoriser les biodéchets.
Collecte et traitement des biodéchets
L’entreprise Moulinot est une entreprise de l’économie sociale et solidaire spécialisée dans le traitement des déchets alimentaires depuis sa création en 2013. Issu du secteur de la restauration son fondateur, Stephan Martinez, a souhaité généraliser le tri des déchets de la profession. Le tri des biodéchets présente un double intérêt : limiter l’enfouissement et l’incinération des déchets d’une part et de l’autre enrichir les sols agricoles et limiter les intrants.
L’entreprise a donc développé une méthode innovante en trois temps permettant d’accompagner à la mise en place du tri, de collecter les déchets par des véhicules écologiques et innovants et de valoriser les déchets alimentaires par compostage ou par méthanisation (schéma ci-dessous). L’entreprise porte un soin particulier à concerter les acteurs en amont et en aval de la chaine, ce qui lui a permis de tisser des partenariats gagnants-gagnants avec les restaurateurs comme avec les agriculteurs. Cette méthode permet d’obtenir une matière secondaire très pauvre en matière inerte qui n’est plus un déchet dont on va chercher à se débarrasser. Par la formation et une attention continue sur la nature des matières collectées, Moulinot collecte une matière organique de qualité. Transformée en soupe (après déconditionnement et hygiénisation), ce n’est plus un déchet mais une matière organique secondaire qui peut être valorisée sur les terres agricoles. Dans le cadre d’une filière de traitement par lombricompostage, le compost « affiné » par les lombrics est la « cerise sur le gâteau » pour les agriculteurs ce qui participe à la mise en place d’un modèle économique viable.
Le site de Stains (93) est un site de massification et de pré-traitement des biodéchets permettant de déployer une filière exemplaire d’économie circulaire. Le prétraitement des déchets est une étape capitale pour garantir la qualité des produits obtenus. Une fois les déchets réceptionnés, ils sont ensuite déconditionnés afin de séparer la matière organique des indésirables (sacs plastiques, emballages ou éventuelles erreurs de tri), puis hygiénisés afin de retirer tout éventuel germe pathogène. Les déchets sont ensuite envoyés vers les installations de traitement.
Valorisation des biodéchets : la méthanisation
La méthanisation est un processus de fermentation anaérobie qui génère de l’énergie (voir schéma ci-dessous). La matière organique (résidus agricoles, biodéchets, déchets de l’industrie agroalimentaire ou résidus de traitement des eaux usées) est chauffée dans le méthaniseur ce qui produit du biogaz, de la chaleur et un digestat. Le biogaz brut doit d’abord être épuré (présence de CO2, NH2, H2S, H2O et autres composés traces) pour atteindre une composition similaire à celle du Gaz naturel. Une fois odorisé, pour des questions de sécurité, le gaz est appelé biométhane et présente les mêmes caractéristiques que le gaz naturel : il peut être injecté dans le réseau de distribution. Il peut alors remplacer le Gaz naturel dans l’ensemble de ces usages : chauffage, mobilité, eau chaude, etc. Le biométhane une énergie renouvelable qui est 10 fois moins émettrice que le gaz naturel, son analyse de cycle de vie indique une émission de 23 kg de CO2eq/MWh. Il existe plusieurs modèles de méthanisation des biodéchets dans lesquels ceux-ci sont parfois traités seuls ou en mélange avec d’autres intrants. Ces modèles diffèrent généralement selon le porteur de projet : agriculteurs, collectivités, syndicats, groupements semi-publics, acteurs privés et de plus en plus avec l’association de groupement de citoyens.
Début juillet, 43 unités de méthanisation injectent du gaz renouvelable dans les réseaux (dont 33 dabs le réseau GRDF). En tant qu’opérateur du réseau, GRDF facilite la distribution du biométhane tout en garantissant sa qualité et en régulant la quantité injectée. L’entreprise contribue également à la structuration de la filière sur trois axes : accompagnement des acteurs dans leurs expérimentations, contribution à l’animation de la filière et communication/sensibilisation. Dans cette optique de structuration de la filière, on peut notamment citer la participation au groupe de travail biodéchets du cercle francilien des acteurs de la méthanisation PROMETHA.
Sensibilisation au tri des biodéchets
Fervent défenseur du tri à la source de biodéchets face au tri mécano biologique, un système inventé par les grands industriels supposé résoudre l’équation du tri de l’ensemble des ordures ménagères résiduelles (OMR), Environnement 93 nous a ensuite livré son retour sur les expérimentations réalisées sur le marché de Pantin, de Romainville et de Noisy-le-Sec.
En effet, il est important d’inciter les collectivités à appliquer la loi sur les gros producteurs de biodéchets et sensibiliser les citoyens sur la manière dont ils peuvent déposer les biodéchets qu’ils ont triés chez eux. Prenant appuis sur l’obligation pour les commerçants de réaliser le tri 5 flux, l’organisation de ce tri sur les marchés permet de revaloriser les biodéchets collectés. Les premières expérimentations sur les marchés de Pantin et de Romainville ont montré dès cette première édition qu’une bonne organisation des marchés suffisait à atteindre les objectifs établis par l’ADEME.
Sur le marché de Noisy-le-Sec, c’est une habitante qui a pris l’initiative de sensibiliser les commerçants au tri des biodéchets. Ce fut d’ailleurs un franc succès puisque c’est le double des estimations prévues qui ont été collectées. En réalité, il n’est pas nécessaire de mettre beaucoup de moyens pour que les bonnes pratiques soient mises en œuvre. Ce sont surtout présence et actions de terrain qui sont nécessaires pour faire appliquer la réglementation.
Un des freins à la mise en place du tri à la source des biodéchets souvent mis en avant par les collectivités, est le coût de revient aux habitants. Ce coût serait de l’ordre de 15 à 30€ selon la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE), un coût qui serait davantage lié à la collecte qu’au traitement. Mais la réduction des déchets de la poubelle grise et l’optimisation de la collecte des ordures ménagères résiduelles devraient finalement limiter la hausse à 5 à 20€ par habitant et par an.
Les conditions pour réaliser le tri correctement
Pik pik environnement a complété sur l’aspect sensibilisation avec les trois conditions pour que le tri soit réalisé correctement par les citoyens :
- Avoir l’information : si les habitants n’ont pas l’information (où sont les bacs de tri, ce qu’on met dedans, pourquoi c’est important etc.) alors ils ne peuvent pas faire le tri.
- Avoir le matériel : si les habitants ont l’information et que l’immeuble n’est pas équipé alors ils ne feront pas le tri. Comme ce n’est pas encore imposé beaucoup de collectivités ne le mettent pas forcément en place. Dans certaines cités le matériel n’est pas disponible : insalubrité ou zone non sécurisées
- Avoir la motivation : il faut trouver l’élément pour que les habitants aient envie, il faut donc trouver ce qui va motiver les gens. Ce peut être des voisins inspirants, un modèle fun ou vu à la télé.
Dans son accompagnement des marchés sur la mise en place du tri des déchets alimentaires, Pik pik retient un gros point fort pour les habitants : c’est pratique car il n’y a pas d’odeurs dans les immeubles et il n’y a pas de risque que les bacs soient dissimulés ou non accessibles. En revanche, le gros point négatif est qu’il faut se déplacer pour amener son sac de biodéchets. Un autre pb est le fait que les gens ne distinguent pas toujours bien le compostage et la méthanisation. Dans le premier il est possible de mettre peu de choses alors que dans le second beaucoup plus. Mais la grande problématique, selon l’association, est que le tri est déjà faible en IDF, donc ajouter encore un tri est assez compliqué d’autant qu’il n’y a pas de contraintes pour les collectivités qui ne le mettent pas en place.
L’ensemble des interventions ont permis de mettre en lumière la nécessité d’une massification des dispositifs au cours de l’année à venir. De sérieuses contraintes sur la collecte pourraient être évitées avec la mise en place de dispositifs déjà éprouvés. Il s’agit notamment de massifier les multiples solutions offertes aux habitants : Lombricompostage, compostage individuel, compostage en pied d’immeuble, compostage de quartier, apport volontaire, collecte en porte à porte. Pour les activités économiques, la collectivité pourrait par exemple collecter tous les gisements d’une même rue ou d’un quartier, ce qui permettrait de contrôler plus facilement la qualité des gisements et de diminuer les coûts. Il serait également pertinent de réfléchir à la mise en place d’une tarification incitative, qui produit des résultats très intéressants, comme, par exemple, à Besançon
Pour en savoir plus, allez découvrir quelques outils intéressants sur le site du SICTOM et sur le site de Moulinot.
La matinée s’est achevée par une visite du site
Les biodéchets sont collectés avec des camions de différentes tailles, spécialement conçu pour la collecte de biodéchets. Ces derniers fonctionnent au bio GNV pour une collecte écologique.
Les déchets alimentaires récoltés sont ensuite déconditionnés et hygiénisés. C’est à cette occasion qu’ils sont transformés en soupe organique.
Cette soupe est ensuite récupérée par les exploitants agricoles pour produire du biogaz et du fertilisant