Chatenay-Malabry - La Butte rouge, un projet humaniste et écologique de ville à la campagne
Cette cité-jardin a été conçue, comme d’autres à la périphérie de Paris, sous l’impulsion d’Henri Sellier, président de l’Office parisien des habitations bon marché (HBM), en 1920, par les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Ruffé, Paul Sirvin et André Arfvision, accompagnés du paysagiste André Riousse. Les influences du Bauhaus de Mallet-Stevens ou du Corbusier y sont perceptibles.
Il s’agit d’un modèle historique d’urbanisme, à la fois social et humaniste, répondant aux besoins d’une population salariée mal logée dudépartement de la Seine, dont la construction s’est échelonnée entre 1931 et 1965. Elle reste un exemple pour les architectes du monde entier pour sa composition très structurée. Des routes sinueuses bordées de bâtiments suivent les pentes du terrain, deux larges avenues les croisent et des chemins piétonniers relient les habitants aux différents espaces, squares, parcs, jardins familiaux, places, bassins et équipements : crèches, écoles, collège, gymnases, dispensaire, bibliothèque, cinéma, piscine et commerces.
C’était un écoquartier avant l’heure avec valorisation énergétique des ordures ménagères pour le chauffage de la piscine, gestion des eaux de pluie et parfaite insertion dans le site. Véritable ville à la campagne, elle regroupe près de 3 700 logements en PLAI* sur 65 hectares de verdure, à proximité du bois de Verrières et de la vallée aux Loups.
Rénovation et T 10
Dans cette partie du sud des Hauts-de-Seine, plusieurs maires s’appliquent à densifier intensivement tout en pratiquant une mixité sociale qui abaisse le nombre de foyers modestes sur leurs territoires. La création d’infrastructures de transport comme le tram T10, à Châtenay-Malabry, fort critiqué pour les amputations d’espaces verts qu’il impliquerait, devrait faciliter la mobilité locale. Mais, s’il existe un jour, il passera au bord de la cité-jardin de la Butte rouge. Une aubaine pour attirer une population nouvelle plus aisée.
Les bâtiments de la Butte rouge mal entretenus nécessitent aujourd’hui une réhabilitation, en particulier pour effectuer des travaux d’isolation thermique. Mais le projet ne consiste pas à réhabiliter tous les bâtiments existants, il prévoit de démolir un tiers des bâtiments, les plus proches du futur T10, pour laisser place à des bâtiments nouveaux, seuls capables, pense-t-on, d’attirer d’autres populations. Ce projet inquiète la population locale concernée qui manque d’information. Ce serait la fin de la cohérence architecturale de la Butte rouge et de sa vocation sociale. Seule une réhabilitation complète séduirait la population attendue dans le reste de la commune, car on sait que la conservation et la mise en valeur de sites remarquables attirent plus sûrement que leur amputation.
Face à cette menace immédiate, deux associations locales, soutenues par Environnement 92, se sont mobilisées pour tenter de protéger ce patrimoine social et architectural en demandant sa réhabilitation in extenso.
Les cités-jardins franciliennes
Elles sont trente-quatre regroupant 22 000 logements dans l’agglomération parisienne. Elles ont été lancées entre les deux guerres sous l’impulsion d’Henri Sellier, président de l’Office départemental des habitations à bon marché de la Seine. Sénateur, maire de Suresnes et ministre de la Santé du Front populaire il en créa onze, dont celle de sa ville. Effrayé par la surpopulation et la dégradation sanitaire des logements des ouvriers parisiens, il crée des ensembles urbains pour des familles, dans l’objectif de régénérer le tissu citadin avec « un niveau de lumière, de joie et de santé ». Cette utopie du bien-vivre ensemble dans le respect de chacun a été continuée après 1945. L’Institut d’aménagement d’Ile-de-France en dresse le portrait et en tire les conséquences en termes de qualité de vie dans un remarquable cahier Les cités-jardins, un idéal à poursuivre, no 165, de 2013. Ces cités, quand elles ont été bien entretenues, sont encore des lieux d’habitation remarquables. Toutefois, la surface occupée au sol a fait bien des envieux et certains édiles les ont détruites pour y construire des ensembles beaucoup plus denses, sans unité et sans recherche d’un idéal de vie.
Barbara GUTGLAS
Association Châtenay Patrimoine Environnement
Anne SAUVEY
Environnement 92
*PLAI : HLM financée par prêt locatif aidé d’intégration (loyer de 4,56 à 5,97 €/m2/mois HT)