« L’État doit stopper les violences et intimidations envers FNE »
Dans ce communiqué adréssé au Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et remis en main propre au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, France Nature Environnement National dénonce les intimidations et les violences de plus en plus nombreuses que subissent les militants associatifs par une partie du monde agricole productiviste. Fne demande au gouvernement de ne plus détourner les yeux et de prendre des mesures pour les faire cesser.
Retrouvez ci-dessous le communiqué:
Monsieur le ministre de l’Intérieur,
Les associations du mouvement France Nature Environnement sont reconnues pour leurs actions en faveur de l’intérêt général : éducation, plaidoyer et pratique du droit afin de protéger la nature et l’environnement, lutte contre le changement climatique et la dégradation de la biodiversité, et promotion d’une démocratie enrichie et fonctionnelle.
Elles sont pacifiques et pratiquent le dialogue. Pourtant, elles sont victimes depuis de trop nombreuses années de violences et d’intimidations de la part d’une partie du monde agricole productiviste, en particulier de certains membres du syndicat Coordination rurale ainsi que de certaines FDSEA (sections départementales du syndicat FNSEA) et sections des Jeunes agriculteurs.
Au mois de mars 2023, la propriété du vice-président de Nature Environnement 17 a été saccagée, taguée d’insultes sexistes et homophobes. Une agression perpétrée par des agriculteurs de la FNSEA à l’issue d’une manifestation organisée le 22 mars à l’appel de plusieurs syndicats agricoles et irrigants, pour contester l’annulation, par le tribunal administratif de Poitiers, de l’autorisation d’exploiter cinq bassines d’irrigation. En novembre dernier, agriculteurs et chasseurs s’étaient donné rendez-vous devant le palais de justice de Foix (Ariège). Objectif : intimider et faire pression sur le procès en cours mettant en cause plusieurs représentants de syndicats agricoles et de fédération de chasseurs qui avaient, en 2018, organisé l’attaque violente d’un événement d’associations de protection de la nature.
La violence de ces messages et actes devient d’autant plus insupportable que, malgré nos appels répétés auprès des services de police et de gendarmerie à l’ordre public et à la protection de nos équipes et locaux, nous n’avons pas été entendus.
Force est, au contraire, de constater que l’État lui-même a sa part de responsabilité. Il cautionne par son silence et son laisser-faire les dérives constatées à la suite de la création de Déméter. Créée en 2019, cette cellule avait pour but initial de faciliter le travail de la gendarmerie en cas de dégradations commises sur des exploitations agricoles. En réalité, il s’agissait surtout d’un moyen supplémentaire de bâillonner toutes les critiques qui pouvaient être faites au modèle de l’agriculture intensive. Pour cette raison, nous avons demandé sa dissolution dès 2020.
L’État doit condamner tout acte violent contre nos associations
Non seulement l’État ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de nos membres, mais il a, à son tour, porté gravement atteinte aux libertés associatives et à la démocratie environnementale en faisant un usage inacceptable du Contrat d’engagement républicain (que doivent signer les associations et les fondations pour bénéficier d’une subvention) à l’encontre d’une de nos associations en Nouvelle-Aquitaine. L’Association de protection d’information et d’études de l’eau et de son environnement (APIEEE) s’est en effet vu retirer des subventions publiques et a été exclue de toutes les instances de concertation liées à l’eau du département dans lequel elle siégeait pour avoir dénoncé la démesure de la présence policière lors des événements de Sainte-Soline, et avoir dénoncé sur les réseaux sociaux le climat anxiogène dans lequel le débat était mené.
Face à l’ensemble insupportable de ces faits, nos associations vous demandent solennellement, M. le ministre de l’Intérieur, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus et de faire en sorte que les citoyen·nes s’impliquant pour l’intérêt général puissent œuvrer sans crainte.
En complément, nous sollicitons également votre vigilance pour ne plus alimenter de sentiment de légitimité chez ces acteurs violents, notamment en qualifiant sans discernement tout combat environnemental d’« écoterroriste ». En effet, ce type d’expression favorise un amalgame entre des actions respectueuses du droit et celles d’assassins voulant répandre la « terreur » (origine du mot « terroriste »). Cette dimension sémantique est importante dans notre recherche, que nous espérons commune, de concorde démocratique.
Pour favoriser cette concorde, il nous semble important aussi que l’État condamne publiquement, et systématiquement, tout acte violent contre nos associations.
Enfin, nous vous demandons, dans le respect de l’État de droit, de faire appliquer les décisions de justice plutôt que de les ignorer, voire contester, notamment celles enjoignant de détruire des constructions et ouvrages illégaux. C’était le cas du barrage de Caussade, dont la réalisation a été jugée illégale en 2018 (les tribunaux ont donné raison à France Nature Environnement), mais dont les travaux de construction ont continué, en toute impunité. Cette retenue illégale existe aujourd’hui.
C’est d’autant plus dommageable que, bien souvent, c’est parce que l’État ne fait pas appliquer la loi que les situations s’enveniment. Cela favorise l’émergence de la violence, les menaces et les passages en force, et engendre une perte de confiance désespérante en l’État de droit, qui s’efface devant des lobbys, quitte à piétiner le droit et la justice.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, M. le ministre de l’Intérieur, l’expression de nos sincères salutations.
Liste des signataires :
Les présidentes et présidents des associations France Nature Environnement
Antoine Gatet, président de France Nature Environnement
Cécile Argentin, présidente de FNE Occitanie-Pyrénées
Hervé Bellimaz, président de FNE Bourgogne-Franche-Comté
Houlam Chamssidine, président de Mayotte Nature Environnement
Michel Charpentier, président de Naturalistes de Mayotte
Bernard Chevassus-Au-Louis, président d’Humanité et Biodiversité
Georges Cingal, président de la SEPANSO 40
Nicole Combredet, président de FNE Centre-Val de Loire
Pauline Couvin, présidente de URAPEG FNE Guadeloupe
Daniel Delestre, président de la fédération SEPANSO Aquitaine
Thierry Dereux, président de FNE Hauts-de-France
Hugues Ferrand, président de La Garance Voyageuse
Alexandre Gannier, président Groupe de recherche sur les cétacés
Jean-Christophe Gavallet, président de FNE Pays de la Loire
Michèle Grosjean, présidente de la fédération Alsace Nature
Denez L’Hostis et Jean-Yves Piriou, coprésidents de FNE Bretagne
Michel Jarry, président de FNE Auvergne-Rhône-Alpes
Claudine Joly, administratrice de FNE Normandie
Isabelle Loulmet, présidente de FNE Nouvelle-Aquitaine
Muriel Martin-Dupray, coprésidente de FNE Île-de-France
Gilles Marcel, président de FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur
Patrick Lespagnol, président du Mouvement de l’agriculture biodynamique (MABD)
Anne Lorrain, présidente de Des requins et des hommes
Rémi Luglia, président de la Société nationale de protection de la nature (SNPN)
Bela Loto, présidente de Point de M.I.R.
Simon Popy, président de FNE Occitanie-Méditerranée
Thomas Ruys, président de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères
Maurice Wintz, président de FNE Grand Est
Sylvain Zami, président du comité Porte de Paris
La direction collégiale de U Levante l’environnement en Corse