Projet de casier pilote sur le site de la Bassée
Le 7 juillet 2020,
Monsieur le Commissaire enquêteur, France Nature Environnement Ile-de-France (FNE-IDF) est la fédération régionale des associations franciliennes de protection de la nature et de l’environnement. Elle est la porte-parole de plus de 400 associations, unions ou collectifs départementaux et locaux, soit environ 40000 adhérents.
Nous soutenons pleinement les avis déposés par nos structures départementales et en particulier celui, très documenté, de FNE Seine-et-Marne. Néanmoins, nous souhaitons intervenir dans le débat pour réaffirmer nos fondamentaux.
En premier lieu, France Nature Environnement Île-de-France veut rappeler ses réserves quant à la tenue de cette enquête publique en fin de période de confinement, alors que l’épidémie de Covid-19 fait toujours peur, mais aussi dans une période de départs en vacances. Nous aurions souhaité qu’elle ait lieu à l’automne, qu’elle dure plus d’un mois et soit accompagnée de réunions publiques.
Le sujet est d’importance et il convient de l’aborder en prenant en compte les toutes dernières données concernant le changement climatique. En effet, le projet qui nous est présenté ne prend en compte que la prévention des crues alors que nous sommes aujourd’hui confrontés à des phénomènes de sécheresse qui nécessitent que nous apportions également des réponses aux risques d’étiage.
Enfin, il est indispensable de prendre en compte la biodiversité et la restauration des zones humides. De tout temps la vallée de La Bassée a été une remarquable zone d’expansion de crues qui a permis à la biodiversité de s’épanouir. Il importe de conforter cette aménité.
Adopter une vision large
Pour étayer notre avis, nous sommes obligé de sortir, un instant, du cadre de l’enquête sur le casier pilote. En effet celui-ci ne peut pas être considéré isolément. Seul le casier pilote ne sert à rien. Il doit retenir durant quelques jours 10 million de m3 d’eau, ce qui à l’échelle d’une forte crue est anecdotique. Ce casier pilote préfigure un ensemble de dix casiers qui, une fois construits, seront en mesure de retenir 55 millions de m3 et de faire baisser le niveau de la crue de plusieurs dizaines de centimètres.
Ces dix casiers s’étendraient sur 2 300 hectares, des digues de 3 à 4 mètres de haut et de plusieurs kilomètres de long détruiraient le paysage bien au-delà des seuls casiers. En juillet 2020, alors qu’a lieu l’enquête publique, on ne sait rien du délai que nécessitera la construction de ces « ouvrages d’art » ni de la date à laquelle le dispositif complet sera opérationnel. Nos experts parlent de 2050… Si ce projet était mis en œuvre, Paris et l’Île-de-France ne seraient donc pas protégées d’une crue centennale avant longtemps !
Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’une autre enquête publique va bientôt avoir lieu concernant la mise à Grand gabarit de la Seine entre l’écluse de la Grande Bosse à Bazoches-les-Bray et Nogent-sur-Seine. Ce nouveau canal aura pour effet d’accélérer la vitesse de l’eau et donc d’aggraver la crue. Les deux projets semblent complètement antinomiques, pourtant il faut prendre en compte leurs impacts conjoints sur l’hydraulique de toute la vallée.
Une alternative fondée sur la nature
Toutes ces variables de l’équation étant posées, nous pouvons nous interroger sur l’absence d’une solution alternative. L’Union Internationale de Conservation de la Nature avait souhaité qu’elle soit étudiée et elle ne figure pas au dossier. Pourtant une pré-étude, demandée par Seine et Marne environnement, a été réalisée en 2015 par le bureau d’étude EGIS. Il a conclu qu’une solution fondée sur la nature permettrait de conforter la zone humide et de stocker naturellement 80 millions de m3 d’eau, bien au-delà des 55 millions de m3 des casiers.
Cette solution, en restaurant la zone humide, favorise la biodiversité et permet de recharger la nappe phréatique, répertoriée comme une réserve d’eau stratégique de l’Ile-de-France. Elle répond également à la problématique des sécheresses car la zone humide fait éponge et relargue lentement l’eau qu’elle a stockée.
Cette étude, que nous nous sommes étonnés de ne pas trouver dans les annexes du dossier d’enquête, nécessiterait d’être approfondie. Un grand nombre de digues de faible hauteur était envisagé et il n’est pas certain qu’elles soient toutes nécessaires.
Il n’en reste pas moins qu’une solution fondée sur la nature semble prometteuse et à l’évidence moins coûteuse que la solution des casiers.
Éviter, réduire, compenser
Les compensations proposées par l’EPTB « Seine Grands-Lacs » sont importantes, même si de sérieux doutes subsistent sur leur faisabilité dans la mesure où l’établissement public n’a pas la maîtrise du foncier. Au-delà de cet aspect il apparaît que le premier terme du dispositif ERC a été occulté. L’étude réalisée par EGIS, que nous avons pu nous procurer, montre qu’il est possible d’éviter plutôt que de compenser.
En conclusion, la plaine alluviale de la Bassée, située à seulement 90 km au Sud Est de Paris, est une des plus grandes zones humides de France sur une surface de près de 24 000 hectares. La Seine y est présente depuis le Quaternaire. Elle y a développé un chevelu de noues et de ruisseaux ainsi que de nombreux méandres du fait de l’espace offert par cette large plaine alluviale, de 4 km par endroit. Les nappes phréatiques permettent à la Bassée de jouer un véritable rôle de régulation et de tampon sur la ressource en eau, que ce soit en période d’inondation ou de sécheresse. C’est précisément ce rôle de régulateur que le projet des 10 casiers de l’EPTB ne pourra pas remplir. Dans le contexte actuel du réchauffement climatique qui prévoit des périodes de sécheresse agricole et de chute des débits d’eau, il est difficilement compréhensible et acceptable de ne pas utiliser les capacités naturelles de régulation et de stockage de cette grande plaine alluviale.
Aussi FNE Île-de-France est défavorable à la réalisation du casier pilote.
Luc Blanchard
Coprésident de FNE Île-de-France