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Dossier
Urbanisme Aménagement du territoire & Urbanisme

Le SDRIF-E, vraiment environnemental ?

Publié le 27 juin 2024

Dossier réalisé par 

Emma DELROT Chargée de mission Aménagement du territoire
Luc Blanchard Coprésident de FNE Ile-de-France

La commission d’enquête sur le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF-E) a rendu ses conclusions. Elle émet un avis favorable sans réserve, mais assorti de trente-six recommandations. Nous n’avions pas été aussi conciliants dans notre contribution.

Le SDRIF-E est un document de planification destiné à encadrer l’usage du foncier. Tous les plans locaux devront s’aligner sur lui dans les prochaines années. Après avoir été approuvé par les élus régionaux, en juillet 2023, il a fait l’objet d’une enquête publique du 1er février au 16 mars 2024. Une commission d’enquête de dix-sept membres a travaillé sur les 8 735 observations émises et a rendu ses conclusions le 3 mai 2024.

Nos demandes
FNE Ile-de-France a contribué, dès l’ouverture de l’enquête, avec un avis très détaillé. Nous avons mis l’accent sur l’artificialisation des sols, mais aussi sur les grands projets inutiles. Nous avons précisé, reformulé, amendé les orientations réglementaires.
 
FNE Ile-de-France a, par exemple, souligné que le projet de schéma directeur n’est pas suffisamment prescriptif. À quoi sert de demander que les entrepôts soient implantés à proximité d’infrastructures fluviales ou ferrées si rien n’est imposé ? Cette mesure, de bon sens, était déjà recommandée dans le SDRIF de 2013 et le transport de marchandises a continué à s’effectuer par la route, comme si de rien n’était…
Les associations de défense de l’environnement demandent donc un SDRIF-E plus contraignant et plus ambitieux. Nous avons été écoutés, mais pas toujours entendus.

L’avis de la commission d’enquête


Les commissaires enquêteurs ont rendu un avis favorable sans réserve. Pourtant, au fil de leurs nombreuses recommandations, nous retrouvons plusieurs points de convergence. Pas sur le rythme d’artificialisation, la commission valide les moins 20 % que nous n’avons cessé de combattre. Les convergences portent, par exemple, sur le caractère peu prescriptif des orientations réglementaires. La commission écrit : « Comme l’Autorité environnementale (Ae) et de nombreux contributeurs, la commission d’enquête remarque et regrette l’aspect peu prescriptif de la grande majorité des orientations réglementaires pouvant nuire à l’atteinte des ambitions affichées par le SDRIF-E. »
Elle demande, de ce fait, un suivi rigoureux de la mise en œuvre du SDRIF-E, particulièrement en matière de qualité des sols « afin d’intégrer de manière plus directe des mesures de qualité des sols, issues du terrain, dans le dispositif de suivi de l’artificialisation des sols ». Notons aussi, parmi les trente-six recommandations, celle d’associer plus étroitement nos associations à ce suivi : « La commission d’enquête regrette que cette conférence régionale de gouvernance n’intègre pas systématiquement des acteurs de la protection de la nature (agences régionales de biodiversité, agences de l’eau, associations environnementales). »
Souhaitons qu’il soit tenu compte de ces recommandations et que le SDRIF-E proposé au vote des élus régionaux, en juillet prochain, soit amélioré.

 

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 Depuis plus de deux ans, l’équipe de FNE Ile-de-France travaille sur le schéma directeur régional environnemental. Nos contributions sont sur notre site Internet - 
crédit©FNE Ile-de-France



 

Le réseau FNE Ile-de-France au rendez-vous pour l’enquête publique SDRIF-E !

Le SDRIF-E a été soumis à enquête publique en février et mars. Après plusieurs mois de préparation, nos fédérations départementales et associations locales ont répondu à notre appel à mobilisation : plusieurs dizaines de contributions ont suivi la nôtre ! Quelles sont leurs revendications pour un SDRIF-E réellement environnemental ? 
 
Pour un polycentrisme qui tient compte des situations locales 
Nos fédérations départementales appellent toutes à rationaliser l’objectif de construire 70 000 logements par an en Île-de-France. Déjà soutenu par le SDRIF de 2013, le polycentrisme n’a guère su résoudre les problèmes auxquels font toujours face nos territoires. Les déséquilibres habitat-emplois-transport préexistants semblent même s’être aggravés : villes dissociées, hausse des loyers, engorgement du réseau de transport, etc. Le SDRIF-E compromet le bien-être des habitants et les cadres de vie en limitant la production de logements sociaux, en imposant des seuils de densifications… Nos associations s’opposent à cette vision et demandent que l’on réponde réellement aux besoins de la population. En cela, pourquoi ne pas imposer les pratiques et principes de l’économie circulaire ?

Protéger les espaces naturels, agricoles, forestiers et de la biodiversité à tout prix
Comment espérer atteindre le zéro artificialisation nette en 2050 en réduisant l’artificialisation de seulement 20 % tous les dix ans ? Cette décision, qui suscite l’incompréhension, est dénoncée comme un passe-droit à artificialiser impunément nos sols. De nombreuses pastilles d’urbanisation consacrent des projets écocides comme à Saclay, à Gonesse ou à Noiseau, par exemple. Il est en cela crucial de sanctuariser nos terres agricoles et de considérer la qualité agronomique des sols. En outre, la renaturation et la restauration des continuités écologiques, grâce à CartoVégétation, ou la protection des sites à haute valeur environnementale comme les PNR et les zones Natura 2000 sont des leviers forts que nos adhérents souhaitent voir renforcer ! 

La santé environnementale doit être une priorité
Les risques et nuisances induits par nos modes d’aménagement préoccupent particulièrement nos fédérations départementales et associations qui estiment qu’ils ne sont pas suffisamment pris en compte par le SDRIF-E. Les mesures sur les risques d’inondation semblent dérisoires, de multiples projets routiers, obsolètes en 2024, sont inscrits… Quand va-t-on faire de la santé des Franciliens une priorité ? Nos associations demandent que le SDRIF-E limite concrètement la pollution atmosphérique, les nuisances sonores et différents risques qui mettent en danger les populations.
Les conclusions de notre réseau sur la proposition de ce nouveau schéma directeur dit « environnemental » sont unanimes : des orientations réglementaires en contradiction avec les ambitions affichées par la Région, trop peu ambitieuses, qui peinent à être réellement prescriptives et qui répondent de façon satisfaisante ni aux besoins des Franciliens ni aux multiples défis auxquels l’Île-de-France fait face aujourd’hui.

 Réunion publique du 29 février à Paris ©Luc Blanchard

 

Renaturation, le coup d’après…

La question de la sobriété foncière est le grand défi du SDRIF-E, dans les années qui viennent, c’est au plus près des territoires qu’elle va se poser. Où peut-on artificialiser ? Quels sont les endroits à préserver absolument et ceux à renaturer de toute urgence ? Que vaut la renaturation ?

Réunion sur le SDRIF-E le 13 décembre 2023

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Sébastien Cornu de la société Tersen intervient sur la renaturation.
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Marc-Noël Vandamme, secrétaire du COPRA
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 Jane Buisson, secrétaire générale de FNE Ile-de-France 

La renaturation est une opération complexe qui prend beaucoup de temps. Avant qu’un terrain artificialisé soit de nouveau fonctionnel, par exemple pour l’exploitation agricole, il faut au bas mot une dizaine d’années. C’est finalement la même question que celle que nous nous posons à propos de l’utilisation du « bois énergie ». Peut-on parler du bois comme d’une ressource renouvelable quand on sait qu’il faut trente ans pour qu’un arbre atteigne sa taille adulte ?
De plus, toutes les terres ne se valent pas, certaines sont pauvres, d’autres riches. Ce sont tous ces éléments qu’il faut prendre en compte lorsqu’on examine un projet suivant la démarche « Éviter, Réduire, Compenser ».

La réflexion s’organise
Le zéro artificialisation nette, que toutes les collectivités doivent atteindre en 2050, est une balance entre les terres artificialisées et les terres renaturées. Mais, on l’a vu, les terres artificialisées le sont tout de suite alors que les terres renaturées ne seront fonctionnelles que dans de nombreuses années et parfois même jamais. Nous approfondissons ces réflexions avec certains de nos partenaires privés, comme la société Tersen et l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM). Nous avons également des échanges fructueux avec l’Institut de la transition foncière, qui a fait de la terre son objet d’étude.
L’Institut Paris Région, qui est le bureau d’études de la Région Ile-de-France, pour sa part, relativise. L’Ile-de-France a besoin de logements, de réindustrialiser… la part laissée à la renaturation n’est pas grande. Il faudra donc, disent les experts, rapidement envisager le zéro artificialisation brute. C’est-à-dire la préservation de tous les espaces de nature.

Des communes trouvent des solutions
Sans attendre 2050, des communes cherchent des solutions. C’est le cas en Essonne où la commune de Ris-Orangis a été lauréate d’un appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME portant sur la renaturation. Quatre cents sondages ont été réalisés sur la commune afin d’analyser les terres. Pour le maire, Stéphane Raffalli, il s’agit de ne plus envisager la terre en termes de surface, de mètres carrés constructibles, mais comme une ressource à part entière.
Dans les Yvelines, la commune de Maurecourt a fait appel à FNE Ile-de-France pour que nous nous engagions ensemble dans une Obligation réelle environnementale (ORE). Durant quatre-vingt-dix-neuf ans, nous suivrons cette commune et l’aiderons à préserver ses espaces de nature.
La renaturation est nécessaire, surtout dans les villes denses qui souffrent plus que d’autres du réchauffement climatique. Pourtant, il est encore plus important de ne pas détruire le peu d’espaces de nature qui nous restent.

Réunion à la Bourse du travail le 1er décembre 2022

 

Sortir de l’exception francilienne

L’exécutif régional s’est mis dans une mauvaise passe en proposant une réduction très faible de l’artificialisation des sols pour les vingt ans à venir. L’État pourrait voler à son secours !

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Happening devant le Conseil régional le 12 juillet 2023


Toutes les régions françaises sont tenues de réduire de moitié leur consommation d’espaces naturels dans les dix ans à venir. Il y a cependant trois exceptions : l’Ile-de-France, la Corse et les outre-mer. Les élus franciliens, plutôt que de se fixer des objectifs plus ambitieux, ont choisi de ne réduire que de 20 % l’artificialisation.

De très nombreuses critiques
L’ambition minimaliste de la Région Ile-de-France en matière de sobriété foncière a été beaucoup critiquée. L’Autorité environnementale a écrit : « La trajectoire proposée de consommation d’espaces ne conduit pas à l’absence d’artificialisation nette à l’horizon 2050. »
Le Conseil économique social et environnemental (CESER) qui conseille les élus régionaux écrit pour sa part dans son avis de juin 2023 : « Le CESER a proposé de renforcer la sobriété foncière déjà engagée depuis 2013 et d’adopter la trajectoire suivante :

  • d’ici à 2031, aligner la trajectoire régionale sur la trajectoire nationale définie par la loi et réduire
    de moitié la consommation nette d’ENAF, soit une consommation moyenne nette d’ENAF de
    390 ha/an pour réaliser l’ensemble des projets d’aménagement et d’équipements,

  • à l’horizon 2040, tendre vers le zéro artificialisation brute (ZAB), c’est-à-dire tendre vers l’arrêt de toute consommation nouvelle d’espaces agricoles, naturels et forestiers (ENAF). »
    Lors de l’enquête publique, ces critiques ont été largement reprises, bien au-delà de notre réseau.

L’État à la rescousse
Du 12 avril au 2 mai 2024, le gouvernement a mis en consultation publique un projet d’arrêté relatif à la mutualisation nationale de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers des projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) d’intérêt général majeur. Concrètement, cela veut dire que ces projets n’entrent plus dans le décompte de l’enveloppe régionale. Une aubaine pour la Région qui « économise » près de 1 000 hectares, soit 25 % de sa capacité d’urbanisation. Il n’y a plus qu’un tout petit pas à faire pour atteindre les 50 % et sortir de l’exception francilienne.

Ce tour de passe-passe ne change rien sur le fond, il y a toujours autant d’artificialisation. De plus, « l’intérêt général majeur » des projets de l’État mérite d’être questionné. En quoi la construction d’une prison à Noiseau, qui détruira une zone humide remarquable, est un projet d’intérêt général ? Nous avons posé la question lors de la consultation. Nous avons également soulevé le problème de ces très anciennes réserves foncières, comme celles de Disney, à Marne-la-Vallée, qui ne sont pas remises en question et dispensent leurs propriétaires de participer à l’effort collectif de sobriété.

Nous verrons en juillet prochain comment le SDRIF-E a évolué et la place qui a été accordée aux huit mille contributions recueillies lors de l’enquête publique.

Bernard Loup - Administrateur de FNE Val-d’Oise
 Irène Nenner - Présidente d’Environnement 92
Catherine Giobellina - Présidente de l’UAPNR
          Jean-François Dupont -            Co-président de FNE Seine-et-Marne

                    

                                         

 

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