Zéro artificialisation nette: un premier acte manqué
Cet article est issu de la 200ème édition de notre Magazine Liaison, que vous pouvez retrouver en intégralité à ce lien.
Cette année, l’Assemblée nationale et le Sénat ont été le théâtre de longs débats sur un objectif controversé : le zéro artificialisation nette (ZAN). Entériné par la loi Climat et Résilience de 2021, le ZAN doit permettre la limitation de l’artificialisation des sols en obligeant, à partir de 2050, une renaturation de surface équivalente pour toute terre artificialisée.
Alors que la « maîtrise de l’étalement urbain » est fixée dans la loi depuis le début des années 1980, sans succès au regard du rythme toujours croissant d’artificialisation observée depuis, le ZAN présente l’avantage appréciable d’être doué d’un objectif clair et d’une date limite pour l’atteindre.
À ce stade, l’objectif va dans le bon sens, mais l’ambition reste somme toute mesurée. En effet, il est illusoire de croire que la renaturation permette de compenser la destruction de sols naturels, dont les fonctions biologiques sont irrémédiablement détruites par la bétonnisation. Nous estimons, en outre, qu’au rythme actuel de l’artificialisation en Ile-de-France et des dynamiques associées (Grand Paris Express, JO 2024, cluster de Saclay, extension de Val d’Europe, etc.) c’est davantage une sanctuarisation des espaces naturels dont le territoire francilien a un besoin vital. Pour ces deux raisons, FNE Ile-de-France porte le projet d’un objectif zéro artificialisation brute (ZAB), qui impose de ne bétonner que des terres artificialisées.
Loin de ces considérations, des élus représentés par l’Association des maires de France et la majorité sénatoriale ont entendu réduire à peau de chagrin le ZAN dans ses modalités d’applications, perçu comme les dépossédant du pouvoir d’aménageur des maires. Mi-juin, l’Assemblée nationale a donc examiné une proposition de loi qui remettait en cause les conditions d’application du ZAN après son adoption au Sénat. FNE Ile-de-France s’est fortement mobilisé contre cette proposition de loi qui, selon nous, rendait impossible l’atteinte de l’objectif. Après avoir rencontré les différents députés des principaux partis, nous avons ainsi lancé un appel à mobilisation dans lequel nous portions des propositions pour protéger les sols non artificialisés, en insistant spécifiquement sur la Région Ile-de-France. Car, de manière paradoxale, alors que la région francilienne est la plus artificialisée de France, elle échappe à l’objectif intermédiaire de réduction du rythme de l’artificialisation par deux en 2030, sans que le législateur n’ait donné la moindre justification à cet égard. Près d’une quinzaine de députés ont répondu à notre appel, en indiquant partager nos positions.
Ce n’est cependant pas la voie suivie par le législateur qui a introduit dans le mécanisme une garantie universelle de développement communal, reposant sur un « droit à l’hectare », applicable à l’ensemble des communes, sans condition de densité. Pour ne pas grever les capacités de développement des régions qui accueillent des « grands projets », leur artificialisation ne leur sera pas imputée. Pour ces projets, un « forfait national » de 15 000 hectares sera décompté de l’enveloppe de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels et forestiers, et disparaîtra ainsi de l’ardoise. Adoptée en dernière lecture, cette nouvelle loi ZAN doit être complétée par une série de décrets qui ont été soumis à consultation cet été. En 2050, la France n’aura pas mis un terme à l’artificialisation des sols, et ce ne sera pas une surprise. Ce sera le résultat d’une politique aussi inavouée que cohérente visant à conserver un mode de financement des collectivités publiques par la destruction des sols. Un acte manqué ?
Cet article à été rédigé par Maxime Colin, Juriste de FNE Ile-de-France