Quel avenir pour l’agriculture urbaine à Vincennes ?
Cet article est issu de la 200ème édition de notre Magazine Liaison, que vous pouvez retrouver en intégralité à ce lien.
Le projet municipal de reconstruction de l’actuel centre culturel Georges-Pompidou, datant des années 1970, va détruire les 1 650 m² de potagers urbains en toiture-jardin, gérés en permaculture par l’association des Jardins suspendus depuis dix ans. L’association devait quitter les lieux le 30 septembre 2023, après une ultime neuvième saison de récolte, obtenue grâce à une pétition* et à un soutien médiatique local.
Le souhait commun, à l’origine, entre l’association et la mairie était pourtant d’y régénérer un écosystème naturel, de pacifier un lieu que les trafics divers condamnaient à la fermeture et d’en faire pour les familles un lieu de reconnexion au vivant, avec un poulailler collectif, de l’agriculture urbaine, du compostage sous la surveillance de chats libres réfugiés là ! Ces objectifs, pleinement atteints, sont aujourd’hui balayés sans ménagements par un besoin réel de rénovation, opportunément agrémenté de l’ajout d’un restaurant bistronomique, d’un espace de coworking, d’une augmentation de la salle de spectacle à l’ambition de scène nationale… L’influence des JO est passée par là !
Pour éviter de mesurer les impacts environnementaux de cette démolition et des contraintes compensatoires fortes en termes de biodiversité et de service écosystémique rendu par ce poumon vert en centre-ville, une demande de dispense d’évaluation environnementale a été déposée par les services de la mairie. C’est dommageable : l’étude communale de biodiversité y signale des populations de chauve-souris, de l’avifaune et de nombreuses espèces de pollinisateurs sauvages à protéger… Cette dispense, néanmoins accordée, évite surtout de placer ce chantier sous un label de rénovation plus ambitieux pour préserver la biodiversité !
Les Vincennois, préoccupés des pollutions à répétition sur le territoire, riverains du projet en tête, s’attendaient à une volonté plus forte de Charlotte Libert-Albanel, maire actuelle de Vincennes, conseillère régionale et 5e vice-présidente d’Ile-de-France Nature « en charge des continuités écologiques » et récipiendaire de la Marianne d’or du développement durable pour faire primer une démarche environnementale pour leur ville, la plus dense de France.
Devant les attentes déçues concernant la santé, la biodiversité, la sécurité alimentaire, Laurent Laffon, actuel sénateur, conseiller municipal vincennois aux côtés de la maire, maire précédent, signataire de la convention fondatrice avec les Jardins suspendus et nommé, en 2020, « président de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols » au Sénat a été sollicité, pour sa compréhension de l’importance de garder et de développer l’agriculture urbaine en toiture et sa sensibilisation à la spéculation alimentaire galopante… Sans succès à date.
L’association souhaite signer une nouvelle convention avec la municipalité pour de nouveaux espaces « jardinables » de taille suffisante pour permettre la poursuite de l’activité associative dans des conditions favorables au sein de la ville. Les bénévoles de l’association ont, pour cela, réalisé un travail important pour proposer, en juin dernier, un plan « clé en mains » d’agriculture urbaine à Vincennes, en toiture comme en pleine terre, pour contribuer à la sécurité alimentaire locale. L’association attend un retour de la mairie. Espérons que l’été aura porté conseil aux décideurs, appelés à gérer de plus en plus d’impensés climatiques et écologiques… et les conflits sociaux qui en découlent inévitablement !