Plusieurs millions de tonnes de C02 sous les pieds des habitants de Grandpuits/Nangis: un projet sans risques ?
Cet article est issu de la 200ème édition de notre Magazine Liaison, que vous pouvez retrouver en intégralité à ce lien.
Un projet de stockage de dioxyde de carbone est actuellement à l’étude sur les communes de Grandpuits-Bailly-Carrois et environs (Seine-et-Marne). Il s’inscrit dans le cadre du projet de recherche PilotSTRATEGY 2021-2026, coordonné par le BRGM 1 et visant à développer des sites de stockage géologique de CO2 en Europe.
Le Procédé:
Plusieurs solutions existent pour réduire nos émissions de CO2 responsables du changement climatique : efficacité énergétique, économies d’énergie, énergies renouvelables. Pour faciliter la transition vers une économie sans carbone, le captage du CO2 et son stockage géologique (CSC) est présenté comme une solution intéressante qui permettrait de réduire ses émissions dans l’atmosphère en le captant et en le stockant profondément sous terre. Il est injecté dans des formations géologiques étanches comme les aquifères salins, les gisements pétroliers épuisés où il est solubilisé, ainsi que les gisements de charbon non exploitables où il est stocké sous forme de gaz. Les défis suivants doivent être relevés :
- sécurité et fuites : prévenir les fuites de CO2 dans l’atmosphère ou les nappes phréatiques.
- coûts : coûts élevés pour la capture, le transport et le stockage du CO2.
- acceptabilité sociale : oppositions locales en raison de préoccupations liées à la sécurité et à l’environnement.
Un projet à l’étude à GrandPuits Nangis:
Ce secteur répond à deux critères :
- la présence de gros émetteurs de CO2. Le captage du CO2 de l’atmosphère, très dilué (421 ppm 2 en ce moment), demande beaucoup d’énergie, à l’origine elle-même d’émissions de ce gaz, ce qui annule donc son intérêt, en revanche, la proximité d’émetteurs importants rend le processus rentable. Ainsi la présence de l’usine d’engrais BOREALIS à Grandpuits permet de disposer d’une source concentrée (coproduit de l’ammoniac fabriqué, le CO2, partiellement capté et revendu, représente plus de 800 000 t/an, rien que pour cet émetteur).
- le sous-sol présente des propriétés géologiques favorables (structure, porosité perméabilité), ayant fait l’objet d’une exploitation pétrolière.
Une étude sismique du sous-sol a été lancée sur un secteur de 10 km² pour s’assurer que le sous-sol permet de stocker le CO2, en cartographiant avec précision les structures profondes. Confiée à SMART SEISMIC SOLUTIONS, l’étude confirme la possibilité de stockage de CO2, des tests restent encore à être effectués pour la valider.
À noter cependant le contexte : l’usine d’engrais BOREALIS qui produisait du nitrate d’ammonium à partir de gaz naturel est à l’arrêt depuis le 18 avril 2022 à cause du prix élevé du gaz naturel. Dans ces conditions l’avenir du CSC à GRANDPUITS pourrait être incertain faute de producteur important de CO2…
Les associations locales quant à elles rejettent l’idée du stockage réversible de plusieurs millions de tonnes de CO2 dans la nappe du Dogger, sous les pieds des habitants, compte tenu de l’absence de retour d’expérience. Elles suggèrent le recours à d’autres solutions pour stocker et utiliser le CO2 et demandent l’abandon du projet.
En conclusion, le principe de précaution doit être appliqué vis à vis des impacts potentiels du stockage géologique du CO2, sur les ressources en eau souterraines notamment. Par ailleurs, il ne faudrait pas que le recours au CSC repousse la recherche de solutions alternatives vers une industrie décarbonée. En attendant, la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à la sobriété énergétique doit rester la priorité. Préserver et restaurer le potentiel naturel des écosystèmes à capter et stocker le carbone est également essentiel.
Article de Daniel Salomon et Jane Buisson de FNE Seine-et-Marne