
Industrie verte : une réforme de l’autorisation environnementale
Une série de décrets d’application de la loi « industrie verte » d’octobre 2023 ont simplifié le cadre juridique de l’autorisation environnementale, de la participation du public et de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme au profit de projets industriels. Cette véritable réforme des procédures environnementales est loin de se restreindre aux projets industriels et s’applique à l’ensemble des demandes d’autorisation environnementale déposées à compter du 22 octobre 2024.
Alors qu’une succession de plans sociaux de grandes entreprises françaises (Auchan, Michelin, Orange, etc.) vient assombrir les perspectives économiques, la politique de l’offre menée par le gouvernement pour attirer les investissements sans garanties de continuité se retrouve fortement discréditée. C’est pourtant bien l’objectif inverse qui est poursuivi par les réformes successives du droit de l’environnement des deux dernières années (ASAP, APER, Industrie verte) : simplifier le droit de l’environnement pour accélérer les implantations et extensions industrielles en France.
Le tassement des consultations obligatoires
Afin de réduire les délais des procédures d’autorisation environnementale, qui se scindaient auparavant entre une phase d’examen par l’administration et l’Autorité environnementale, une phase de consultation (électronique ou enquête publique) et une phase de décision, les deux premières phases ont été tassées dans une seule, précédée par une étape de vérification de la complétude du dossier. Ainsi la phase ultime de décision reste inchangée, mais le porteur de projet peut obtenir une réponse rapide sur la régularité de son dossier pour le soumettre immédiatement à avis et à l’information du public. La réforme regroupe les consultations électroniques et enquêtes publiques dans une même procédure se déroulant sur une phase plus longue (trois mois au lieu d’un), de ce fait le public devra souvent s’exprimer sans être éclairé par les avis des autorités indépendantes.
Le rôle du commissaire enquêteur est sensiblement modifié dans la mesure où celui-ci rendra désormais un rapport assorti de « conclusions motivées », qui ne seront donc plus favorables ou défavorables. A noter que cette circonstance supprime de manière subreptice la possibilité d’exercer le référé suspension spécial qui était ouvert lorsque les conclusions du commissaire enquêteur étaient défavorables.
Quand l’industrie prime sur les contraintes urbanistiques
Un autre décret vient définir de manière très large les secteurs technologiques favorables au développement durable pour lesquels il est désormais possible de mettre en comptabilité un document d’urbanisme y faisant obstacle, par le biais d’une procédure de « déclaration de projet » (article L. 300-6 du code de l’Urbanisme). Pour compléter cette prime à l’industrie sur l’urbanisme, le décret confère au préfet la compétence pour délivrer des autorisations d’urbanisme aux projets industriels qualifiés « d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ». Le décret détaille en outre les informations à fournir afin de se voir reconnaître de manière anticipée une « raison impérative d’intérêt public majeure », qui est l’une des conditions légales pour porter atteinte aux espèces protégées.
L’Etat se voit donc désormais chargé, entre autres, d’inviter les industriels par le biais de nouveaux moyens de financement, de décider de soumettre ou non les projets à évaluation environnementale, d’autoriser les projets industriels, de modifier les PLU pour qu’ils soient autorisables, de conférer les autorisations d’urbanisme et par la suite de s’assurer que l’exploitation soit conforme aux autorisations. Une concentration des pouvoirs inquiétante au regard de la pratique qui prévaut en matière de balance des intérêts économiques et environnementaux.
Maxime COLIN
Juriste à FNE Ile-de-France
Article paru dans notre magazine Liaison N°204. Retrouvez l’intégralité des articles de nos associations membres dans notre édition papier en vous abonnant sur notre page Hello Asso - moyennant la somme de 20 euros l’année (soit 4 numéros)

La réindustrialisation responsable : une nécessité pour la région
