Le pont de la discorde
Le département de l’Essonne a décidé de recourir à la Commission nationale du débat public pour engager une concertation sur un projet de pont routier qui relierait Vigneux à Athis-Mons. Il s’agirait plutôt d’un viaduc haut perché (18 m) qui, outre la traversée de la Seine, permettrait d’éviter la vallée en reliant les plateaux des deux rives par un ouvrage de 3,6 km de longueur, avec une pente importante (5 à 7 %). Il serait de type « boulevard urbain » avec, en plus, une bande d’arrêt d’urgence de part et d’autre. Selon toute vraisemblance, ce n’est pas un ouvrage conçu pour les usagers des deux-roues et encore moins des piétons.
Un vaste dispositif de communication a été déployé autour du projet pour informer, dialoguer au travers de réunions publiques, de balades urbaines, d’ateliers thématiques et recueillir les avis sous différentes formes, du questionnaire à l’expression libre. Les nombreuses contributions (368) et quarante « cahiers d’acteurs » ont permis de confronter les avis très tranchés sur le sujet qui rassemble d’ailleurs plus d’oppositions que d’adhésions. Certes, la présentation du dossier par le conseil départemental paraît partisane en faisant, notamment, espérer une diminution des temps de transport routier pour accéder à la zone de chalandise et d’emploi d’Orly.
Un territoire saturé
Mais si ce projet pouvait avoir un sens il y a plusieurs décennies, la situation actuelle des déplacements en région Ile-de-France ne peut plus se traiter ainsi. La complexité de l’ensemble du maillage autoroutier ne peut supporter un accroissement supplémentaire, ce qui semble inévitable avec la création d’un nouveau pont. Sans refaire l’histoire des autoroutes urbaines, rappelons-nous simplement celle du périphérique parisien, de l’A86, de la Francilienne, avec les autoroutes A6 et A10. Autant de promesses de déplacements facilités à l’époque pour tous ceux qui seraient amenés à s’éloigner de la capitale, à la recherche d’un logement (mais rarement d’un emploi). Tous ces axes sont aujourd’hui saturés en quasi-permanence, au même titre que les transports en commun inadaptés à la densification trop importante des quatre départements qui constituent la métropole du Grand Paris (sans égal en Europe).
Prioriser les transports en commun
Le nord Essonne, aux portes du Grand Paris, connaît lui aussi une croissance excessive non accompagnée par des moyens de déplacements appropriés. Cette situation à hauteur de Vigneux et d’Athis-Mons ne peut se résoudre par la construction d’un viaduc autoroutier. C’est d’abord tout le réaménagement des transports en commun dans ce secteur qui doit être examiné prioritairement avec le prolongement de la ligne 14, la création de la ligne de tramway T12, la prise en compte de la ligne du tramway T7, éventuellement revue dans son tracé. C’est une réflexion de fond sur l’aménagement du territoire qu’il faudrait conduire ainsi qu’une étude d’impact environnemental approfondie du projet. Or, ceci n’est envisageable que dans le cadre de la révision du SDRIF. Sous ces conditions, un nouveau franchissement de Seine pourrait avoir des chances d’aboutir, mais réorienté vers un projet mixant transports en commun et modes « doux ».
Que l’on se rassure, rien n’est encore arrêté à ce jour, beaucoup d’eau coulera sous les ponts existants avant de voir le projet sortir de terre.
Jean-Pierre MOULIN
Président d’Essonne Nature Environnement
ene91.fr