Pollution lumineuse
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La pollution lumineuse, une lutte en clair-obscur

Publié le 31 mars 2020

À l’instar d’un monde vivant complexe et évolutif, la protection de l’environnement s’enrichit, parfois tardivement, de nouvelles composantes. Il en va ainsi de la pollution lumineuse qui désigne l’emprise croissante du spectre de la lumière artificielle sur la biodiversité, la santé des êtres humains ainsi que leur jouissance du ciel étoilé. Les sources d’émission de lumière artificielle se sont multipliées à un rythme effréné à la fin du xxe siècle et, plus particulièrement, au cours de la dernière décennie, avec la généralisation des LED et l’apparition de la publicité numérique. Si la prise de conscience de ce phénomène est ancienne (années 1990), la lutte contre la pollution lumineuse témoigne aujourd’hui d’un regain d’intensité.

L’incidence la plus évidente de la pollution lumineuse est la disparition du ciel étoilé pour les habitants des ensembles urbains. La dernière version de l’Atlas mondial de la luminosité artificielle nocturne révèle que 60 % des Européens ne peuvent pas voir la Voie lactée et que 99 % des populations américaines et européennes vivent sous des cieux pollués par la lumière.

Des effets négatifs

Mais cette pollution est autrement plus néfaste pour le fonctionnement biologique du monde vivant. Le rythme circadien régule les mécanismes essentiels du corps humain tels que le rythme de production d’hormones, l’appétit, la digestion, la température corporelle ou l’équilibre veille/sommeil.

Or, la pollution lumineuse tend à estomper notre perception de cette alternance, ce qui influe sur la production de mélatonine. Les perturbations hormonales qui en découlent peuvent être lourdes de conséquences : troubles du sommeil, stress, fatigue, dépression, prise de poids, risque accru de développement de cancer, etc.

La faune et la flore ne sont pas moins organisées en fonction de l’alternance du jour et de la nuit dans leurs fonctions vitales et soumises à la pollution lumineuse. Les études scientifiques, de plus en plus abondantes sur le sujet, montrent de façon convergente une augmentation de la mortalité et un appauvrissement de la diversité des espèces animales et végétales dans les milieux éclairés la nuit.

Certaines espèces d’oiseaux migrateurs voient, par exemple, leur trajectoire migratoire déviée à l’approche des halos lumineux des villes et meurent d’épuisement tandis que, chez les étourneaux, les merles ou les pigeons, la lumière artificielle stimule la prédation et la reproduction. Moins considérés, les insectes et les végétaux sont également très lourdement impactés par le développement de la lumière artificielle.

Une prise en compte poussive du phénomène

La prise en compte des effets de la lumière artificielle n’a pas mené à une mise en place immédiate d’un droit de la nuit. Alors qu’au xxe siècle, les juges considéraient uniquement la question au travers du prisme du trouble anormal du voisinage (pour les dommages causés par la perte d’ensoleillement ou les dégâts sur les cultures dus à un éclairage municipal trop puissant), le législateur a profité du processus du Grenelle de l’environnement pour impulser une régulation des nuisances lumineuses. Issu de la loi Grenelle 2 de 2010, l’article L. 583-1 du Code de l’environnement pose le principe d’une régulation des émissions de lumière artificielle par le biais de prescriptions. Depuis 2013, des plages horaires d’extinction de certaines installations lumineuses sur les bâtiments non résidentiels ont été imposées (de 1 heure à 7 heures du matin).

Pourtant, le dispositif mis en place par le gouvernement ne couvrait pas l’ensemble des installations lumineuses, si bien que le Conseil d’État s’est résolu, en 2018, à la demande de FNE et d’autres associations, à condamner l’État pour carence dans la limitation des pollutions lumineuses, notamment pour ce qui concerne l’éclairage public.

En conséquence, un arrêté du 27 décembre 2018 est venu compenser ces lacunes et compiler les prescriptions applicables à l’espace public comme privé, en fonction d’une typologie d’installations, tout en prévoyant des dérogations. Celui-ci fixe des prescriptions techniques générales, concernant notamment les niveaux d’éclairements, la température de couleur et l’orientation de l’émission. On peut citer l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 d’une interdiction des luminaires orientés vers le ciel, quels qu’ils soient. Nous rappelons qu’une proportion inquiétante des éclairages publics et des installations présentes à l’entrée des villes ou dans les ZAC sont actuellement en infraction.

Le label « Ville et village étoilés  »

D’autres outils juridiques permettent d’atténuer la pollution lumineuse, comme les règlements locaux de publicité, qui permettent de réguler la publicité lumineuse, en interdisant, par exemple, les écrans vidéo-publicitaires. La limitation des nuisances lumineuses passe également par l’inclusion de « trames noires » dans les documents de planification, comme le SRCE.

Enfin, le label « Villes et Villages étoilés » constitue un outil de régulation intéressant, mais limité dans la mesure où il repose sur la bonne volonté des communes et que la pérennité du label n’est pas assurée en raison des aléas conjoncturels politiques et des regroupements de communes.

Ainsi, un droit de la nuit a le mérite d’émerger en France, avec des outils variés et intéressants, mais limités par deux considérations d’importance. D’une part, les sanctions se révèlent trop peu dissuasives (contravention de 4e classe) et, d’autre part, force est de constater que, depuis 2013, la réglementation est restée lettre morte à défaut de volonté politique de la mettre en application.

Une mise en œuvre trop hésitante de la réglementation

C’est pour pallier cette déficience que FNE Ile-de-France se lance dans des opérations « chasse à la pollution lumineuse » au cours desquelles des bénévoles sillonnent les rues de leur ville pour relever les différentes installations illégales et les commerces ne respectant pas les obligations d’extinction après une heure du matin.

Il s’agit de se focaliser sur des points précis de la réglementation – l’obligation d’extinction des vitrines entre une heure et 7 heures du matin et celle des enseignes lumineuses entre une heure et 6 heures – et d’en demander le respect aux autorités chargées du contrôle.

Notre rôle est avant tout de « mettre la lumière » sur les nuisances lumineuses et le manque de diligence des acteurs censés appliquer la réglementation.

Ces opérations ont une visée pédagogique et permettent également d’informer le grand public, autant que de dialoguer avec les commerçants et les mairies. Les effets de la pollution lumineuse sont trop importants pour être considérés comme une incidence négligeable et inéluctable de l’activité humaine.

Maxime COLIN
Chargé de mission juridique de FNE Ile-de-France

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