La lente concrétisation des trams-trains en Ile-de-France
À l’occasion de l’ouverture de la première phase de la tangentielle nord, désormais nommée Tram 11 Express, nous revenons sur ce projet et les deux autres lignes de tram-train prévues en Île-de-France. Alors que l’on pouvait penser que le plus dur était passé, la concrétisation de ces trois rocades reste semée d’embûches.
La mise en service, le 1 er juillet, du Tram 11 Express entre Épinay-sur-Seine et Le Bourget, est presque passée inaperçue, éclipsée médiatiquement par l’ouverture des LGV Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes. Pourtant, cette ligne constitue l’amorce d’une rocade rapide dans la banlieue Nord qui va simplifier la vie de nombreux usagers.
Une très longue maturation
Un premier projet de ligne reliant Sartrouville à Noisy-le-Sec a été soumis à la concertation en 1999. Il consistait en une réutilisation partielle des voies Grande Ceinture existantes et prévoyait une desserte au quart d’heure, en heure de pointe, avec un matériel roulant de type RER. Il a fait l’objet d’un premier schéma de principe en 2001. Le niveau de service offert (un train toutes les quinze minutes) et l’absence d’évolutivité du service liée à la mixité trains de voyageurs/trains de fret ont conduit les maîtres d’ouvrage à examiner une autre solution sur voies dédiées.
C’est ce projet qui a fait l’objet d’une enquête publique, en 2006, suivie de la DUP, en 2008. Faute de crédits suffisants, il a été décidé de phaser la réalisation en lançant seulement les études d’avant-projet sur la partie centrale entre Épinay et Le Bourget, soit 11 km sur les 28. La mise en service est alors prévue fin 2014 pour un coût estimé à 500 M€. Hélas, le chantier subit d’importants retards liés en grande partie à un pilotage insuffisant par RFF : risques pyrotechniques mal évalués, acquisitions foncières difficiles, déviations de réseaux mal étudiées, présence d’espèces protégées inattendues (notamment le Crapaud calamite) …
Fin 2013, un surcoût de 120 M2 et un retard de deux ans et demi sont actés au terme d’une négociation difficile entre SNCF-RFF et les financeurs.
Descriptif et premières impressions
Le Tram 11 Express est une ligne en site propre intégral qui longe la Grande Ceinture Nord. Tous les franchissements de voirie sont dénivelés. Les sept stations sont parcourues en quinze minutes, soit une vitesse commerciale élevée d’environ 45 km/h. De fait, même si le véhicule ressemble à un tram, l’exploitation s’apparente plutôt à un train léger.
D’ailleurs, il roule à gauche et la traversée des voies n’est pas autorisée. Le fonctionnement en rames doubles, voire triples, sera possible à terme, mais l’exploitation est prévue pour le moment en rames simples, soit 250 places au maximum, avec un intervalle théorique (hors été) de cinq minutes en pointe, dix minutes en journée, quinze minutes en soirée. On peut craindre une saturation de la ligne à certaines périodes, car le trafic prévisionnel de 65 000 personnes par jour pourrait bien être dépassé.
En matière tarifaire, cette ligne innove dans le mauvais sens puisque, bien que classée en tramway, elle n’accepte pas le ticket T+, mais uniquement des billets O/D spécifiques. Nous demandons de revenir sur ce choix (comme pour le T4).
Le grand intérêt de cette ligne, outre les villes desservies, réside dans les correspondances offertes avec les lignes B, C, D, H et le Tram 8. Ces correspondances sont plutôt courtes à l’exception de Pierrefitte-Stains.
Le réseau de bus (15 lignes RATP et 2 lignes TRA) a été réorganisé et globalement renforcé autour des gares du Tram 11 Express. Mais certains aménagements de voirie n’ayant pas été réalisés, l’intermodalité est parfois médiocre, comme à Stains-La Cerisaie où les correspondances bus sont lointaines.
Quid des prolongements du Tram 11 Express ?
Le dérapage du coût et du calendrier de la première phase a sérieusement refroidi les ardeurs des financeurs État et Région pour la suite. De plus, le projet du Grand Paris Express est venu éclipser l’intérêt pour la tangentielle nord chez beaucoup d’élus locaux. Seules les études d’avant-projet (AVP) SNCF pour les prolongements à Noisy-le-Sec, d’une part, à Sartrouville, d’autre part, ont été réalisées.
Désormais, tout est prêt pour enclencher ces prolongements, sauf le budget… de l’ordre de 400 M2 à l’est et 900 M2 à l’ouest. Sachant qu’aucun crédit travaux n’est prévu au CPER 2015-2020, la décision est désormais au niveau politique. Nous avons réaffirmé la pertinence et l’urgence de réaliser la totalité de la ligne, notamment afin d’assurer un maillage avec le réseau Saint-Lazare et le RER E.
Avec un trafic prévisionnel de 200 000 voyageurs/jour, cette ligne reste, malgré les surcoûts, totalement justifiée.
Tangentielle ouest (futur Tram 13)
En 2001 était lancée une concertation sur le projet tangentielle ouest-sud Achères-Melun. Fondés sur une exploitation type RER, les coûts ont conduit à revoir le projet sous forme de train-train et à définir plusieurs phases.
À l’ouest, c’est le tronçon Saint-Cyr RER-Saint-Germain RER qui a été choisi en premier. Une nouvelle concertation a eu lieu fin 2008 mais, du fait des atermoiements du département des Yvelines, l’enquête publique n’a eu lieu qu’en 2013.
Les travaux préparatoires ont enfin démarré fin 2016. Chiffré à 307 M€, le projet consiste à réutiliser la Grande Ceinture ouest en lui ajoutant deuxparties urbaines : une courte virgule vers la gare de Saint-Cyr (lignes C, N et U) et une plus longue rejoignant le centre de Saint-Germain et sa gare RER A au prix d’un détour par le camp des Loges. L’objectif de mise en service est fixé à l’été 2020. Par ailleurs, le prolongement à Poissy et Achères va faire l’objet d’une nouvelle enquête publique fin 2017.
Le choix d’un tracé urbain qui traverse Poissy, s’il permet une correspondance avec sa gare RER, se heurte à une insertion délicate et des coûts plus élevés qui éloignent encore la concrétisation de la liaison Saint-Cyr-Achères, sans parler de l’objectif initial de relier Versailles à Cergy…
Versailles-Massy-Évry (futur Tram 12) : un « vrai » tram-train dans la douleur
Suite à la remise en cause du projet Achères-Melun, le STIF et les financeurs ont choisi de lancer une concertation en 2009 sur la base d’un train-train de 20 km entre Massy et Évry, la moitié sur la Grande Ceinture sud et la moitié en voirie. L’enquête publique a eu lieu en 2013, mais le bouclage du financement (526 M2) a été très long, si bien que la SNCF a démobilisé ses équipes. Du coup, si les travaux avancent bien dans la partie STIF (entre Évry et Épinay-sur-Orge), la mise en service serait repoussée en 2021, voire 2022… De surcroît, le prolongement entre Massy et Versailles, qui semblait pourtant simple à réaliser, n’a pas progressé depuis la concertation en 2013, car le devis, initialement estimé à 55 M2 par SNCF Réseau, aurait triplé… Pourtant l’intérêt de ce prolongement est évident car son absence créera une rupture de charge pour de nombreux usagers entre le Tram 12 et un RER en navette entre Massy et Versailles.
©Marc Debrincat / Tramtrain
Marc Pélissier
Président de l’Association des usagers des transports Ile-de-France