Grand Paris
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Urbanisme Aménagement du territoire & Urbanisme

Grand Paris : réponse d'IDFE au Sénat

Publié le 24 février 2010

 

Réponses d’Ile-de-France Environnement (IDFE) au questionnaire de la commission spéciale du Sénat

1°) Quelle est votre appréciation générale sur ce projet de loi ?

IDFE est très réservée sur la vision qui est à la base du projet de loi : celle de Paris, ville-monde qui, pour rivaliser avec ses concurrentes au plan mondial, doit renforcer son potentiel économique et augmenter sa population active. Elle entrainerait ainsi derrière elle les autres régions françaises. Nous faisons remarquer :

- que d’autres pays comme l’Allemagne dont la capitale ne prétend pas au statut de ville-monde, mais qui possèdent une structure décentralisée fondée sur des métropoles régionales fortes et dynamiques, sont et restent innovants et économiquement très compétitifs au plan international ;

- que la doctrine des «clusters» est une construction intellectuelle qui n’a pas fait la preuve de son efficacité pratique. Comme cette théorie elle-même, les exemples hétéroclites souvent cités sont tous d’origine anglo-saxonne et il est fort peu probable qu’ils fournissent un modèle transposable en France;

- que le modèle, lui aussi d’origine anglo-saxonne, des grands campus technologiques situés à l’écart des agglomérations urbaines semble désormais dépassé et qu’une tendance se dessine vers un retour des centres d’innovation en milieu urbain, en raison notamment d’une meilleure accessibilité aux transports;

- que, si la population francilienne croit au même rythme que la population nationale, c’est à cause d’un solde naturel élevé et d’une immigration étrangère forte, mais que le solde migratoire avec les autres régions françaises est négatif et augmente régulièrement. Les seules catégories pour lesquelles il demeure positif sont les jeunes (20 à 30 ans) qui viennent finir leurs études en région parisienne et les cadres supérieurs qui, à un stade de leur carrière professionnelle, viennent travailler dans les sièges sociaux des grandes entreprises. Par contre ce sont les familles avec enfants de cadres moyens et de professions intermédiaires, y compris les couples biactifs, qui quittent la région capitale pour d’autres régions françaises, du sud et de l’ouest en particulier.

Ceci n’est pas du à une insuffisance des emplois franciliens, mais à la dégradation constante de la qualité de vie en Ile-de-France : coût de plus en plus élevé du logement qui oblige à quitter la zone centrale, difficultés de déplacement liée à la saturation et à la mauvaise qualité de service des transports collectifs, nuisances (bruit, air pollué) découlant d’une trop forte concentration urbaine dans des villes manquant d’espaces verts.

Pour ce qui est du projet de loi proprement dit, le texte initial approuvé par le Conseil des ministres du 7 octobre 2009 était à notre sens beaucoup trop inspiré par une remise en cause des lois de décentralisation et une conception très autoritaire du rôle de l’Etat, qui semblait vouloir imposer sa politique aux collectivités territoriales sans les y associer réellement, et sans aucune concertation avec les Franciliens concernés.

Heureusement l’Assemblée nationale a apporté au projet de loi des modifications notables, dont certaines que nous avions défendues auprès de M. le rapporteur Albarello. Nous les citons dans l’introduction du document de propositions d’amendements au Sénat, en y joignant de nouvelles propositions visant notamment à garantir la priorité à l’amélioration du réseau existant des transports collectifs, et une pratique normale de la concertation avec la population concernée par les contrats de développement territorial.

2°) Quels sont vos souhaits concernant le tracé du futur métro automatique ? Son articulation avec les réseaux de transport existants vous paraît-elle satisfaisante ?

Le projet de futur métro automatique apparait inspiré par la volonté de relier les pôles d’innovation et de développement économique, identifiés par le secrétaire d’Etat Christian Blanc, entre eux et avec les gares TGV et les aéroports. Il est donc orienté davantage vers l’accessibilité des scientifiques, ingénieurs et hommes d’affaires à ces pôles que vers l’amélioration de la qualité de vie quotidienne des Franciliens. Celle-ci est avant tout conditionnée par la modernisation du réseau existant des transports collectifs : prolongements des lignes du métro, résorption des points noirs des lignes de métro et de RER, trams ou bus en site propre pour des liaisons entre villes, métro circulaire en rocade dans la petite couronne. Il nous parait important que, pour les 5 à 10 ans qui viennent, la priorité soit donnée à la réalisation rapide des projets d’amélioration du réseau existant. Ceci laisserait le temps pour affiner l’étude d’opportunité d’un projet de métro rapide, son interconnexion optimale avec le réseau existant complété et amélioré, et pour assurer sa compatibilité en termes de financement avec celui-ci.

Concernant le tracé du futur métro rapide tel qu’on le connait de façon approximative à partir de documents actuellement sans valeur officielle, on peut constater :

- que le trajet ouest de la boucle centrale (disons de Villejuif jusqu’à Saint-Denis en passant par les Hauts-de-Seine et la Défense) apparait assez compatible avec celui du projet de rocade Arc Express du Conseil régional et qu’un rapprochement des deux projets parait nécessaire plutôt que de créer deux liaisons rivales,

- que la boucle extérieure traversant le plateau de Saclay de Versailles à Massy ne nous parait pas utile si les dessertes par le RERB et le RERC qui encadrent le plateau sont modernisées et rendues plus performantes et qu’on les complète par des liaisons de rabattement sur leurs gares (voir réponse à la question 7)

3°) Que pensez-vous de la composition du Conseil de surveillance de la Société du Grand Paris (article 8) ?

Deux points nous paraissent contestables dans cette composition :

- le fait qu’il n’y ait qu’un seul représentant des communes et établissements publics de coopération communale compétents en matière d’aménagement et d’urbanisme. On pourrait admettre par exemple que toutes les structures intercommunales de plus de 150 000 habitants concernées par le projet de métro rapide soient représentées dans ce conseil de surveillance, avec en plus un ou deux représentants des communes isolées ;

- le fait que les représentants de l’Etat soient en mesure d’imposer les décisions du seul fait de leur nombre.

4°) Le projet de loi instaure des contrats de développement territorial entre l’Etat, d’une part, et les communes et établissements publics de coopération intercommunale, d’autre part, pour créer notamment des zones d’aménagement différé et organiser leur développement (art 18). Que pensez-vous de cet outil novateur ?

La rédaction actuelle est à coup sûr un progrès par rapport en ce qui était prévu dans le texte initial du projet de loi pour ce qui concerne l’association des collectivités territoriales à la définition au plan local des projets d’infrastructures et des opérations d’aménagement urbain. Mais elle doit être encore améliorée en ce qui concerne la concertation avec la population concernée par ces projets. En effet, dans la mesure où, valant déclaration d’intérêt général, le CDT implique la mise en conformité des documents locaux d’urbanisme (SCOT, PLU et POS), IDFE considère, et c’est l’objet de notre troisième proposition d’amendement, que cette mise en conformité doit se faire en respectant les dispositions légales prévues par le code de l’urbanisme en matière de concertation avec les habitants et associations, et d’enquête publique.

Plus généralement, le CDT semblant dans l’esprit de Christian Blanc devoir être d’application plus large, il importe que soient précisés, notamment dans le code de l’urbanisme, ses cas possibles d’application et son articulation avec les autres schémas d’aménagement et notamment les SCOT. En Ile-de-France, les CDT ne doivent en aucun cas se substituer au SDRIF.

5°) Le projet de loi vous paraît-il prendre suffisamment en compte le volet « logement » ?

Le président de la République trouve insuffisant l’objectif de création de 60 000 logements nouveaux par an défini dans le projet de SDRIF, et exige, sans doute en liaison avec l’ambition de Paris ville-monde, qu’il soit porté à 70 000 ou 75 000. Le problème actuel, qui existe depuis des années, est qu’on se situe sensiblement à la moitié de cet objectif, et qu’on se heurte au problème francilien particulièrement sensible dans l’agglomération centrale du coût très élevé du foncier que les agences foncières de la Région ou des départements se révèlent impuissantes à maîtriser.

Les opérations de restructuration urbaine des périmètres des gares devront être conçues pour assurer un équilibre entre locaux d’activités et logements et en particulier pour la création des logements sociaux nécessaires pour permettre le maintien de personnes à revenus modestes et moyens dans l’agglomération centrale.

Une fois la loi votée et avant même que le tracé définitif du projet de métro soit parfaitement défini, il y aura une vague spéculative qui, si des dispositions anti-spéculation ne sont pas prises, fera monter le prix du foncier et même de l’immobilier près des futures gares.

Le projet de loi prévoit un prélèvement sur la plus value foncière et immobilière dans les périmètres situés près des gares pour contribuer au financement du métro rapide. On voit mal comment en même temps il pourrait instituer des mesures de limitation du coût du foncier pour favoriser le logement social, sauf pour les terrains dont il a déjà la maîtrise.

6°) Que pensez-vous du financement prévu à l’article 9 pour la réalisation du futur métro automatique (dotation de l’Etat, valorisations foncières et immobilières, autres ressources) ?

Nous sommes quelque peu sceptiques sur les hypothèses d’origines possibles du financement des 21 milliards d’euros (estimation actuelle) avancées dans le projet de loi, et ceci pour les raisons suivantes :

- la dotation de l’Etat ne pourra être que limitée, compte tenu du contexte actuel de déficit annuel élevé du budget de l’Etat, et d’accroissement inquiétant de la dette nationale. D’autre part les parlementaires des régions seront probablement réticents à autoriser l’Etat à engager des sommes importantes dans un projet francilien, dont ils ne sont pas du tout surs qu’il contribuera au développement économique de leur région ;

- la mission conduite par Gilles Carrez, dans son rapport d’octobre 2009, estime qu’un prélèvement sur la valorisation foncière ne rapporterait que de l’ordre d’un milliard d’euros ;

- l’emprunt national par recours aux marchés financiers annoncé par l’Etat ne pourra également être mis à contribution que pour un milliard d’euros

IDFE est favorable aux propositions de Gilles Carrez de recourir davantage aux ressources fiscales assises sur les bureaux et de relever pour l’Ile-de-France la taxe kilométrique sur les poids lourds.

7°) L’articulation du Plateau de Saclay avec le « Grand Paris » vous paraît-elle satisfaisante, notamment s’agissant des transports ?

Initialement (avant-projet du 01-12-08), était prévue une loi particulière pour la création de l’Etablissement Public Paris-Saclay.

Il y a en effet peu d’analogie entre les pôles de développement économique et « le cluster scientifique et technologique sur le plateau de Saclay » (dossier de présentation de novembre 2008).

Les seuls points communs, identifiés dans le projet de loi, entre le « Grand Paris » et « le pôle scientifique et technologique sur le plateau de Saclay » sont :

- la desserte par le métro automatique : mais le plateau de Saclay étant plus éloigné de Paris, cette solution, qui imposerait un détour à la boucle de ce métro, serait totalement rédhibitoire en terme de coût et délai par rapport à l’amélioration des transports en commun existants (notamment les RER B et C), sachant qu’aucun point du plateau est à plus de 3 km d’une gare de ces deux RER ;

- et les contrats de développement territorial : mais l’article 18 de la loi, prévoit, de façon totalement incohérente, d’autoriser la mise en place de ces contrats dès la «publication de la loi », pour le plateau de Saclay, alors que celle-ci ne pourra avoir lieu, pour les autres pôles, qu’après l’ « approbation du schéma d’ensemble des infrastructures qui composent le réseau de transport public du Grand Paris ».

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