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En Ile-de-France, il faut passer au "Zéro Artificialisation Brute" (ZAB)

Publié le 27 avril 2023

Pourquoi la sobriété foncière est nécessaire : un plaidoyer pour le zéro artificialisation brute. Dans cette tribune, France Nature Environnement Ile-de-France défend une meilleure prise en compte du rôle joué par les sols dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les débats actuellement en cours au Sénat sur des mesures de réduction de l’artificialisation (ZAN) sont pollués par la vision à court terme de certains élu.e.s. L’association prône la mise en place du zéro artificialisation brute (ZAB) dans la région francilienne.


Triste nouveau record de sécheresse en ce début d’année 2023. Le dérèglement climatique s’accélère, et nous regardons passivement ses conséquences de plus en plus visibles et effrayantes. Dans la région la plus bétonnée de France, devant l’effondrement grandissant de la biodiversité, un changement de logiciel est indispensable. Au vu des fonctions essentielles remplies par les sols dans la régulation du climat et le maintien de la biodiversité, France Nature Environnement Ile-de-France plaide pour une modification profonde des politiques d’aménagement du territoire dans la région francilienne.

Les sols, des ressources précieuses encore trop artificialisées.


Les scénarios de trajectoire du changement climatique se dégradent. Désormais, le gouvernement fait le choix d’intégrer un scénario “pessimiste” dans sa stratégie nationale d’adaptation au changement climatique à +4°c, ce qui serait dévastateur pour l’environnement. Ce scénario, développé par le GIEC, correspond à la trajectoire que prendrait le réchauffement climatique sans action de l’homme pour y remédier. On le sait depuis longtemps, et le Ministère de la Transition écologique le reconnaît, l’artificialisation des sols est l’un des facteurs majeurs influant sur le réchauffement climatique. En artificialisant, nous supprimons les multiples et indispensables services écosystémiques rendus par les sols : puits de carbone, régulation du climat, amélioration de la qualité de l’eau et de l’air ainsi que réduction des pollutions. En ville, nous démultiplions les îlots de chaleur et la rendons irrespirable : en temps de canicule, plus de 10°c de différence peuvent exister entre une ville bétonnée comme Paris et des terres agricoles qui l’entourent.

L’introduction récente d’un objectif timide de sobriété foncière.

Face à cette situation critique se développe depuis quelques années dans différents pays européens l’idée d’obliger de limiter l’artificialisation du territoire. En France, elle se traduit par la poursuite d’un objectif : celui du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Introduit par la loi Climat et Résilience en 2021, cet objectif est fixé à 2050, avec un objectif intermédiaire en 2030, mais fait l’objet de nombreux débats et questionnements. La notion d’artificialisation retenue ici correspond, selon le code de l’urbanisme, à la perte de fonctions écologiques d’un sol. Mais le ZAN n’empêche pas l’urbanisation : il reste possible d’artificialiser si cela est compensé. “L’artificialisation nette” correspond au solde entre les surfaces artificialisées (l’artificialisation brute) et celles renaturées, censées compenser la perte des espaces naturels, agricoles et forestiers.

La recherche du ZAN va dans la bonne direction mais ne suffit pas. Le principe même de la
compensation, qui légitime la destruction et de sols riches et fonctionnels, est insensé. L’étude de la
territorialisation et de la mise en œuvre de cet objectif est toujours en cours avec les différentes
propositions de lois du Sénat et de l’Assemblée à l’étude. Mais la plus grande vigilance s’impose ; ces différentes propositions essayent de vider le texte de sa substance en mettant en place de nombreuses dérogations. Chaque territoire prêche pour sa paroisse et souhaite obtenir un maximum de droit à artificialiser, sans véritable prise de conscience des enjeux. Nous sommes d’avis qu’il devrait être impossible de déroger à cet objectif. Contrairement à ce qui est souhaité et proposé, rien ne doit sortir du comptage de l’artificialisation : ni les aménagements cyclables, ni ceux nécessaires au développement des énergies renouvelables. Les aménagements de transition ne doivent pas servir de prétexte pour accroître la vulnérabilité des écosystèmes et de nos territoires.

Il y a une urgence particulière en Ile-de-France.

La région capitale, au vu de son taux de densité et son niveau d’artificialisation, a une situation bien
particulière dans le paysage français. Sa densité côtoie les plus hauts taux du monde dans sa zone dense. Son niveau d’artificialisation dépasse également de loin la moyenne nationale : près de 25% de ses terres sont artificialisées, mais ce taux monte à 90% au sein de la Métropole du Grand Paris ! Autant dire que la situation y est dramatique pour la biodiversité. Même si le rythme d’artificialisation nette diminuait jusqu’à il y a peu, il est reparti récemment en hausse de près de 30%. Ne pouvons-nous pas apprendre de nos erreurs ? Débitumer les cours d’école nous paraît essentiel, mais il serait plus judicieux d’arrêter dès maintenant toute bétonisation. Et cela particulièrement en zone dense où la priorité devrait être donnée à la préservation des espaces de nature. Il nous faut arrêter l’artificialisation dans la région, et tendre au plus vite vers le Zéro Artificialisation Brute (ZAB) .

Contrairement à ce que le vice-président de la Région Ile-de-France semble penser, le ZAB ne
correspond aucunement à la “fossilisation du monde”, mais permet de repenser l’aménagement du
territoire et notre rapport à l’existant. Pour lutter efficacement contre l’artificialisation des sols, protéger la biodiversité, maintenir les conditions écosystémiques et créer les conditions d’un monde vivable, le ZAB est la mesure qu’il faut mettre en place. C’est un choix fort, incluant le polycentrisme et ainsi le développement de véritables bassins de vie. Suivre cet objectif ne sonne pas le glas de la production de logements ni de potentielles métamorphoses du métabolisme urbain. Au contraire, cela prône l’utilisation raisonnée de la ville : le changement de destinations de locaux ainsi que la mutualisation des usages des bâtiments sont des possibilités réalistes permettant d’atteindre cet objectif.

Quel avenir souhaitons-nous pour la région ? 

La révision en cours du schéma d’aménagement d’Ile-de-France (SDRIF-E) pose la question du futur de la région. Il est nécessaire de préciser que la Région francilienne bénéficie, au vu de ses spécificités, d’une dérogation pour l’atteinte de l’objectif intermédiaire prévu en 2030 du ZAN. Elle s’est elle-même assignée la date de 2040 comme échéance de mise en place du zéro artificialisation nette. Mais cet objectif n’est ni contraignant, ni réglementaire, il est purement déclaratif ! Deux possibilités s’offrent à nous pour le futur : une région résistante et résiliente aux changements climatiques, ou une région au climat insoutenable. Une seule mesure permettrait d’éviter le pire. Nous devons dès maintenant instaurer le Zéro Artificialisation Brute en Ile-de-France !

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