La ligne 18 vue à travers le prisme du Conseil d'État
Avec sept autres associations, France Nature Environnement Île-de-France a déposé un recours en Conseil d’État contre le décret n° 2021-26 du 14 janvier 2021, modifiant le décret initial de déclaration d’utilité publique (DUP) de la ligne 18 (Orly-Versailles) du Grand Paris Express (GPE), dont la Société du Grand Paris (SGP) est le maître d’ouvrage. Ce recours ayant été rejeté par le Conseil d’État, nous présentons une analyse critique de ses prises de position.
La modification comportait trois volets, mais notre recours portait uniquement sur la refonte complète de l’évaluation socio-économique du projet de ligne 18 ; pour la SGP, cette révision s’imposait car le bilan socio-économique (les avantages escomptés du projet diminués des coûts estimés) était très faible, alors qu’entre-temps les coûts avaient considérablement augmenté, si bien que le bilan passait dans le rouge.
S’inspirant de près des conclusions du rapporteur public, dont nous avons pris connaissance tardivement, le Conseil d’État a rejeté notre requête le 22 juin 2022. Ce jugement contraste singulièrement avec certaines décisions courageuses prises par le Conseil d’État en faveur de l’environnement et contre des positions de l’État.
Dans notre dossier de presse, nous analysons ces conclusions en détail, pour aboutir au constat que l’argumentation est particulièrement légère et empreinte d’un parti pris scandaleux, les fins (le rejet du recours) semblant justifier les moyens (les conclusions). Une bonne partie des moyens que nous avons mis en avant est totalement passée sous silence, au point où on est en droit de se demander si notre mémoire en réplique, répondant au mémoire en défense de la SGP, a bien été lu par le rapporteur public. C’est le cas, entre autres, de notre mise en évidence du tour de passe-passe ayant permis à la SGP de produire un bilan socio-économique faussement positif. Cela vaut pour la ligne 18, mais également pour la ligne 17 Nord malgré l’arrêt des projets EuropaCity sur le Triangle de Gonesse et Terminal 4 à Roissy. Tout ceci est particulièrement décevant de la part de la plus haute juridiction administrative et nous estimons qu’on ne peut en rester là.
Entre-temps, la réalisation du tronçon Orly-Saclay de la ligne 18 est trop avancée (mise en service prévue pour 2026-2027) pour pouvoir la remettre en cause. En revanche, celle du tronçon Saclay-Versailles, le plus destructeur, peut encore être stoppée. À cette fin, nous demandons que le gouvernement déclare un moratoire sur les lignes 18 Ouest et 17 Nord et fasse effectuer de nouvelles évaluations socio-économiques par des experts indépendants (de préférence étrangers pour éviter qu’ils aient été formés dans le même moule que les porteurs des projets).
À ce sujet, voir aussi la lettre ouverte adressée à Elisabeth Borne.
Dans notre perception, l’État (au sens de sa structure technocratique) falsifie et maquille la réalité pour faire passer ses projets. Mais les véritables commanditaires et promoteurs de ces projets ne sont-ils pas à chercher parmi les élus territoriaux, « bâtisseurs » aux frais de l’État ?
La question mériterait une enquête journalistique approfondie.
Contact presse:
Harm Smit - hsmit@orange.fr