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Les projets portuaires d’Haropa en vallée de Seine [Dossier]

Publié le 25 août 2025

Dans le contexte du réchauffement climatique, de l’importance données aux fleuves et à leurs affluents pour leur rôle écosystémique dans la transition écologique des territoires, des projets suscitent de nombreux débats autour des nécessaires équilibres à trouver entre les modèles économiques, l’importance du fret fluvial et la préservation de la biodiversité, dans laquelle, les fleuves « veines de la terre » jouent un rôle primordial. 

Les projets portuaires dont nous parlons dans ce dossier (Limay, Porcheville et Achères-sur-Seine aval) et l’extension du Port d’Evry (Evry-Village) sur Seine amont doivent être restitués dans le contexte des décisions et débats en cours sur l’évolution des voies navigables du bassin de la Seine vers la Manche, à l’ouest, et Dunkerque et le Benelux, au nord. Ils partent du constat du faible volume de marchandises transportées sur la Seine et, plus globalement, de la part très faible du trafic fluvial en France, d’où la volonté de « massifier » les conditions de transport sur un réseau notoirement sous-exploité.

Ces débats qui concernent le fret, les ports fluviaux et le renouveau économique de territoires importants pour l’économie française ont d’abord conduit, entre 2009 et 2012, à la création d’Haropa (2012) et à la montée en puissance de l’axe Seine (de Seine amont à Paris-Rouen-Le Havre). 

Ils ont aussi relancé une vieille idée des années 1950, reprise en 1997 par le ministre Jean-Claude Gayssot, soutenue par toutes les collectivités territoriales du nord de la France durement touchées par le déclin industriel, celle d’une liaison fluviale pour les bateaux à grand gabarit entre le bassin de la Seine et le réseau nord-européen. Le projet, baptisé Canal Seine Nord-Europe est déclaré d’utilité publique, en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Cet investissement structurant, dont les travaux sont très avancés, n’emporte pas de véritable certitude quant à ses effets réels en termes de basculement modal, de revitalisation économique du nord de la France ou d’impact sur le devenir de l’axe Seine. 

Il faut, pour compléter ce panorama, citer deux autres chantiers sous maîtrise d’ouvrage de Voies navigables de France : l’adaptation de l’Oise entre Compiègne et Nogent-sur-Oise, puis la confluence avec la Seine, une liaison fluviale pour les bateaux à grand gabarit entre le bassin de la Seine et le réseau nord-européen et, en amont de la Seine, la mise à grand gabarit du fleuve entre Bray et Nogent-sur-Seine, dont nous contestons l’opportunité.


Bernard LANDAU et Simon RONAI

La Seine n’est pas à vendre 

 

Haropa Port : des CDT sans pouvoir réel !

La gouvernance d’Haropa Port est significative des choix politiques qui dictent leurs objectifs : l’activité économique avant tout.

Au sommet de la pyramide, un conseil de surveillance, qui prend les décisions stratégiques, composé essentiellement de représentants de l’État, des collectivités territoriales et auquel participent quatre personnalités qualifiées.
Tout est décidé à ce niveau.
Tout en bas de cette pyramide, les conseils de développement territoriaux (CDT) chargés de représenter les intérêts locaux et de les porter auprès des conseils de surveillance et d’orientation. 
FNE Ile-de-France siège dans le CDT de Paris.
Les enjeux sont limités à l’activité fluviale et à l’aménagement des infrastructures.
Il n’y a pas d’approche systémique faute d’avoir les parties prenantes présentes, VNF, l’Agence de l’eau, etc.
De fait, il s’agit uniquement de donner des avis sur des projets sans qu’il y ait de réelles décisions à prendre, tout se décidant à un autre niveau. On a le droit de poser des questions, on recueille des informations sur l’activité fluviale, mais la capacité d’influence est faible, très faible.
L’approche en silos montre une fois de plus ses limites.

Yves CONTASSOT
Représentant de FNE Ile-de-France à Haropa Port

 

Limay-Porcheville (78)

Le projet d’extension du port est lié à l’augmentation du trafic constatée ces dernières années. Il a pris du retard, mais compte déjà un projet logistique d’importance.

Créée dans les années 1980, la zone portuaire de Limay-Porcheville s’étend sur 125 hectares et offre près de 35 000 m² d’entrepôts. Le port, c’est aussi vingt-six entreprises de différents secteurs qui accueillent des activités des filières logistiques et industrielles. Il génère environ mille emplois et a connu une évolution constante de ses activités entre 2010 et 2019 avec un doublement de ses trafics fluviaux et des trafics ferroviaires multipliés par cinq. Ce dynamisme conduit à une situation de quasi-saturation. 

Le projet d’extension a ainsi pour objectif d’accompagner le développement de nouvelles activités économiques sur le territoire et d’augmenter la part du transport fluvial et ferré en alternative à la route.


Depuis fin 2016Haropa Port de Paris mène une concertation avec le territoire afin de recueillir les avis et attentes des acteurs locaux et amorcer les perspectives d’extension du port existant, le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPS&O) intègre déjà le projet.


Un projet estimé à environ 20 millions d’euros HT (hors acquisitions foncières), financés à ce stade par Haropa Port. Les études sont cofinancées par l’État et la Région Île-de-France dans le cadre du contrat projet interrégional État-Région.


En parallèle, le port poursuit sa démarche d’acquisition à l’amiable des fonciers situés au nord du port existant, avec les riverains, EDF et Stellantis, pour réaliser une extension d’environ 20 à 30 ha d’emprise portuaire. Mais la mairie et le gestionnaire Haropa Port peinent à s’accorder sur son étendue et le projet d’extension connaît des retards et les travaux d’extension ne seront pas lancés avant cinq ans. Par ailleurs, les riverains s’inquiètent de l’actuel délaissement de ce territoire progressivement vidé de ses habitants ; du sort réservé aux gens du voyage qui, pour certains, vivent sur le territoire depuis des décennies ; de l’impact du transport routier et des chantiers prévus.
 

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credit : Haropa

L’installation d’Ikea

À la suite d’un appel à projet logistique lancé en 2020, Ikea a été sélectionné pour s’implanter sur le site de 16 ha racheté à Citroën. Dès fin 2026, le port accueillera un entrepôt logistique de 60 000 m², ce qui lui permettra de développer son activité en France et de recourir au transport fluvial. Pour l’encourager, Haropa Port applique « une ristourne pour le trafic fluvial par conteneurs » pouvant atteindre 50 % de la redevance annuelle. À l’inverse, une majoration de cette même redevance pourrait être imposée en dessous de 70 %.

Une convention, signée en mai 2021, formalise une durée d’occupation de quarante ans. 

Ikea est un signal important pour la réindustrialisation du Mantois, région sinistrée, se réjouit Djamel Nedjar, maire de Limay. 

Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’Ikea consomme 20 millions de mètres cubes de bois chaque année, soit 1 % des forêts mondiales, et reboise en palmiers à huile. Par ailleurs, Ikea a une politique sociale « très musclée ». Donc, oui Ikea est un atout économique, mais pas sur le plan social ni sur le plan environnemental.

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Crédit Technology international

Port Seine Métropole Ouest (78)

PSMO, est une plateforme portuaire multimodale dédiée aux activités de la construction et des travaux publics. Les matériaux entrants et sortants devront utiliser de façon préférentielle la voie d’eau. Les travaux ont débuté à l’été 2024.

L’assise du projet est une emprise foncière de 101 ha située en rive gauche de la Seine, face au confluent de l’Oise, presque exclusivement sur le territoire communal d’Achères et impactant de façon marginale ceux d’Andrésy (rive gauche) et Conflans-Sainte-Honorine (secteur du quai de l’Ile).

Le port sera constitué d’une darse intérieure bordée de parcelles où seront implantées des activités industrielles, de préférence utilisatrices de la voie d’eau pour l’approvisionnement ou l’expédition de marchandises principalement pondéreuses.


Ce projet prévoit la création d’environ 19 hectares d’espaces verts constituant une zone tampon entre les activités industrielles et portuaires et le secteur urbanisé d’Achères, incluant un parc paysager. La continuité des voies sur berge sera assurée par l’édification d’une passerelle réservée aux circulations douces, lancée au-dessus du chenal d’accès à la darse. Un écran végétal créé ou renforcé permettra d’atténuer l’impact visuel des installations depuis le coteau d’Andrésy.
Des aménagements complémentaires de voirie, depuis la RD30 vers la darse, seront effectués afin de faciliter et fluidifier les accès à la zone portuaire par voie routière. Il est aussi prévu de remettre en service une liaison ferroviaire le long de la voie ferrée existante sur une plateforme qui s’étend sur environ 350 à 400 mètres, réhabilitée par Haropa Port en partenariat avec SNCF Réseau et permettra aux marchandises de passer de la Seine au réseau ferré. 

L’échéancier de réalisation du projet comprend cinq phases s’étalant de 2024 à 2039, d’un volume transporté annuel estimé à un million de tonnes. Le nombre d’emplois généré par les activités de cette zone portuaire est évalué à environ 750 et les entreprises accueillies devront souscrire aux engagements pris par Haropa Port de Paris, en particulier pour ce qui concerne des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). 

Concertation et réactions

Une instance permanente de concertation (IPC) réunissant Haropa, services de l’État, élus locaux et représentants des associations a été mise en place fin 2023. Des réunions d’informations sur la nature des travaux et leur calendrier ont eu lieu ainsi que diverses actions auprès des habitants des communes concernées : plaquettes, panneaux, stands lors des fêtes de la batellerie à Conflans…

Plusieurs points ont été abordés par les associations environnementales lors de ces réunions sur les impacts à court, moyen et long terme : nuisances sonores, entrave à la circulation des piétons et cyclistes sur les rives de Seine, contrôle des émissions de CO₂. Condition de déplacement des bateaux/logement et nouveaux raccordements. Aménagement paysager et valorisation du site de la villa Louis XIII. À plus long terme, il y a des interrogations sur la remise en service d’une liaison ferroviaire et le risque d’un trafic routier plutôt augmenté ; questionnement aussi les conséquences sur les berges du raccordement au Canal Seine Nord, suite au chantier Mageo pour le passage des péniches à plus gros gabarit. 

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Crédit Haropa

Evry-Village, Bords de Seine (91)

La Seine n’a pas intéressé les concepteurs ni les bâtisseurs de la Ville Nouvelle d’Evry : ses bords n’ont jamais été intégrés dans la création de celle-ci ; ils sont restés pratiquement en état depuis les années 1960. 
Dans les années 2010, l’accent a été mis sur la Seine comme débouché de Paris pour l’accès à la mer et lieu de transport, du port de Rouen à Melun. Des institutions ont été créées : Haropa, un groupement d’intérêt économique (GIE) qui réunit les ports de Paris, de Rouen et du Havre. 

La communauté d’agglomération Grand Paris-Sud, dans son SCOT 

La CA Grand Paris-Sud Seine Essonne Sénart a acquis, en décembre 2017, la compétence de valorisation de la Seine et s’est engagée sur un programme d’actions pour en faire un parc naturel urbain pour valoriser la Seine et ses berges, lequel comporte douze communes, 25 km de fleuve et 31 km de berges, deux écluses (dont celle d’Evry), deux ports industriels.

Avant de devenir Haropa Port, le Port autonome de Paris retient dans son schéma des infrastructures portuaires le développement d’une importante zone d’échanges à l’intersection Seine-Francilienne.

Evry-Village, le 16 janvier 1996, a averti ses adhérents du projet d’extension du port et a manifesté alors son opposition tout en informe également la municipalité.
Début d’année 2024 le projet d’extension du port actuel resurgit ! Il s’agit pour Haropa Port de racheter à la municipalité des terrains limitrophes à l’implantation actuelle et en bordure de berges pour y créer une zone de stockage de conteneurs en arguant de l’intérêt de ce projet pour développer le transport multimodal (fleuve, train, route).
De nouveau, Evry-Village fait part à la ville de ses vives préoccupations en septembre 2024 :

• destruction en bords de Seine d’une parcelle classée N (nature) dans le PLU actuel ;
• nuisances sonores pour le voisinage ;
• trafic de camions accru du fait de la proximité avec la Francilienne ;
• aucune justification économique établie ;
• aucun bénéfice économique pour la ville ;
• perturbations dans l’accès des promeneurs aux bords de Seine et dans la continuité cyclable ;
• risque de surcharge d’une voie ferroviaire déjà à la limite de la saturation, argument dont tire d’ailleurs, actuellement, prétexte la SNCF pour combattre le projet de ligne S défendu par toutes les municipalités concernées et l’association RER D Val de Seine.


L’association obtient en retour de Stéphane Beaudet, maire d’Evry-Courcouronnes, les garanties suivantes :

  1. la ville conservera dans son futur plan local d’urbanisme, qui sera voté en 2025-2026, le classement N (nature) pour cette parcelle ;

  2. le planning du projet ne prévoit pas la sélection d’un opérateur pour cette plate-forme avant le quatrième trimestre 2027, ce qui laisse 2025 et 2026 pour poursuivre la concertation entamée ;

  3.  la ville utilisera bien le fait qu’elle est propriétaire du terrain comme « verrou » pour éviter un projet « qui ne conviendrait pas à la ville et aux habitants concernés. »

Même si, à ce stade, l’association et les riverains sont rassurés sur le court terme, il n’en demeure pas moins que le projet n’est pas abandonné.
Les prochaines étapes seront cruciales et l’association Evry-Village reste plus que jamais mobilisée et attentive. 

Joseph NOUVELLON et Xavier BARÓ
Evry Village    
 
 

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En vert foncé, la parcelle adjacente au port actuel sur laquelle Haropa veut s’étendre. Crédit : Haropa

  

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