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Dossier Liaison : coûts sanitaires de la pollution environnementale + bibliographie

Publié le 17 septembre 2025

Les coûts de l’inaction sanitaire pourraient représenter des sommes considérables. Ces coûts ne se limitent pas aux impacts du réchauffement climatique et de la perturbation des cycles naturels. La pollution de notre environnement engendre des coûts socioéconomiques non négligeables et encore largement sous-évalués. Ces coûts comprennent les coûts sanitaires externes ou non marchands (vies humaines perdues du fait des maladies, pertes de bien-être et de qualité de vie dues aux années en mauvaise santé, pertes de productivité, etc.), l’impact sur les finances publiques (coûts des soins, des recherches publiques et de la prévention, etc.) et les coûts non sanitaires (p. ex., une perte de valeur de l’immobilier etc.).

Les pollutions induites par les activités humaines sont très diverses. Cependant, nous pouvons les regrouper selon le milieu naturel qu’elles altèrent. Ainsi, nous séparons dans ce dossier les pollutions de l’air, de l’eau et des sols.

La pollution atmosphérique

La pollution atmosphérique représente la deuxième cause de mortalité évitable en France après le tabac et la première cause environnementale de mort prématurée dans le monde1. La France est le 3e pays d’Europe dont les émissions de polluants atmosphérique en provenance de l’industrie et de la production d’énergie causent le plus grand nombre de morts2. Et elle est le 2e en ce qui concerne les morts causés par la pollution agricole à l’ammoniac.3 D’après Airparif, les principales sources de pollution atmosphérique en Ile-de-France sont le chauffage et le trafic routier. Selon les territoires, l’industrie, les plateformes aéroportuaires, les chantiers ou encore l’agriculture peuvent causer des pollutions4

On peut estimer les coûts pour le système de santé francilien à plus de 545 M€/an5, et les coûts liés aux décès prématurés à plus de 8,7 Md€/an6. Les maladies chroniques dues à l’exposition à la pollution de l’air entraînent quant à elles des pertes économiques évaluées à 2,1 Md€/an7 (ne serait-ce que pour les 8 maladies étudiées). Finalement, tous ces coûts ne rendent pas compte de la perte de bien-être, laquelle n’a pas d’impact direct sur le solde des finances publiques, mais est estimée représenter un montant allant de 68 à 97 Md€/an pour la France8.

Les coûts non sanitaires (impacts négatifs en termes de baisse de rendements agricoles, de perte de biodiversité ou de dégradation et d’érosion des bâtiments) sont également non négligeables et difficilement mesurables. La principale responsabilité de ces coûts doit être attribuée aux énergies fossiles. En effet, le coût engendré par la pollution aux énergies fossiles est estimé à 800 US$/habitant en France en 2018, soit 678€9. Rapporté à la population de l’Île-de-France, cela correspond à 8,4Md€Ainsi, les coûts de la pollution de l’air par les énergies fossiles excèdent largement ce que coûterait une réduction rapide de leur consommation10. Seulement pour les émissions de particules fines, une réduction des PM2,5 (particules fines de diamètre inférieur à 2,5 µm) de 1 µg/m³ par an représenterait un gain de 0,8% du PIB par habitant11, soit un total de 5,6 Md€/an pour l’Île-de-France. 

Cette contamination de l’air extérieur doit être pensée conjointement à la pollution de  l’air intérieur. Celle-ci tire son origine de nombreux facteurs physiques et contaminants physiques ou biologiques, provenant aussi bien de l’habitat et de ses habitants (chauffage, cuisson, mobilier, produits d’entretien, etc.), que de l’extérieur, comme la pollution atmosphérique ou la pollution par les sols. Une première estimation du coût sanitaire de la pollution de l’air (considérant 5 polluants majeurs) estime que celui-ci s’élève à 19 Md€/an à l’échelle de la France12, soit environ 3,4 Md€/an rapporté à la population de l’Île-de-France. Par comparaison, la gratuité de l’usage des transports publics en Ile-de-France lors d’un pic de pollution coûte 4 M€/ jour de semaine.13

 1DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azure (2024). Les enjeux liés à la pollution de l’air. (Cliquer ici)

2Center for Research on Energy and Clean Air (2023). Upgrading Europe’s Air: How a Strong European Emissions Directive Can Save Lives and Money. (Cliquer ici)

3Ibid

4Airparif (2019). Les sources de pollution. (Cliquer ici)

5Coût national (3 mrds d’euros d’après la Commission d’enquête du Sénat de 2015) rapporté au pourcentage de la population française résidant en Île-de-France. 

6Coût national (48 mrds d’euros d’après la Commission d’enquête du Sénat de 2015) rapporté au pourcentage de la population française résidant en Île-de-France. 

7ORS et Airparif (2025) Maladies chroniques attribuables à la pollution de l’air en Île-de-France. (Cliquer ici)

8 Sénat (2015). Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.(Cliquer ici)

9Center for Research on Energy and Clean Air  (2020). Quantifying the Economic Costs of Air Pollution from Fossil Fuels. (Cliquer ici)

10Ibid

11Antoine Dechezleprêtre et al. (2019) The economic cost of air pollution: Evidence from Europe. (Cliquer ici)

12 Observatoire de la qualité de l’air intérieur (2014). Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur. (Cliquer ici)

13Sénat (2015). Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.(Cliquer ici)

La pollution des sols 

Les activités humaines (industrie, agriculture, foresterie, construction, gestion des déchets et artificialisation des sols) causent de multiples dégradations des sols : érosion, perte de matière organique, contaminations diffuses et ponctuelles14. Les services de l’Etat ont dressé des cartes de pollution des sols au niveau national et régional : BASIAS (historique des sites industriels, consultable sur le site Géorisques) et BASOL (sites et sols pollués ou potentiellement pollués nécessitant une intervention). 

14https://energyandcleanair.org/publication/upgrading-europes-air-how-a-strong-industrial-emissions-directive-can-save-lives-and-money/

Activités industrielles : Un exemple parmi des centaines en Ile de France. 

Sur les 50 ha de terrain des usines RENAULT à Boulogne-Billancourt et Meudon, arrêtées en 1992, des pollutions importantes par métaux lourds et hydrocarbures ont été trouvées, les terrains ont été décapés sur plusieurs mètres. La dépollution partielle avant construction (avec interdiction d’habitat en rez-de-chaussée) a coûté 100M€.

Pollutions agricoles 

Comme dans d’autres pays européens, les sols français sont particulièrement touchés par les pesticides, les déséquilibres en nutriments des sols et la pollution aux métaux lourds. Les engrais chimiques contiennent des métaux lourds comme le cadmium (issu des phosphates), du plomb, voire de l’arsenic, qui s’accumulent dans les sols. Les apports en matière organique presqu’inexistants concourent à une diminution drastique de la flore microbienne des sols, indispensable à la vie et à la croissance des végétaux. Enfin, l’indicateur de fréquence des traitements permet de suivre l’utilisation des pesticides à l’échelle des exploitations : en dépit des multiples plans Ecophyto, les traitements pesticides se multiplient : ces plans se limitent à modifier des indices d’utilisation des pesticides, ce qui revient à casser le thermomètre pour ne pas détecter la fièvre.

La pollution des sols par les microplastiques a fait l’objet d’un rapport INRAE-CNRS en mai 2025. Il relève 1000 microplastiques/kg de sol agricole : ceux-ci sont issus des 200 000 tonnes utilisées par an pour le paillage, l’ensilage, les sacs d’engrais et les flacons de pesticides, ainsi que les plastiques transportés dans l’air. Ces plastiques, qui ont été au contact de près de 10 000 produits chimiques utilisés en agriculture et dans les industries agro-alimentaires, transportent des produits potentiellement toxiques pour la santé dans les sols puis l’eau et les aliments15.

Les dégradations du sol, physiques, chimiques ou biologiques, nuisent aux nombreux services qu’ils nous rendent. Bien que ces services soient difficilement chiffrables16, l’IPBES (groupe intergouvernemental sur la biodiversité et les écosystèmes) évaluait en 2018, la dégradation des terres à 10 % du PIB mondial, soit 10 000 Md€17.

15CNRS, INRAE (2025). Plastiques, un casse-tête insoluble. (Cliquer ici)

16 Association Française pour l’Étude du Sol (2020). Vers une évaluation des coûts de la dégradation des sols: éléments de cadrage, outil d’analyse et études de cas. (Cliquer ici)

17IPBES (2018). Dégradation et restauration des terres: principaux messages de l’évaluation IPBES. (Cliquer ici)

La dégradation de la biodiversité 

La biodiversité subit 5 types de pressions anthropiques : les changements d’usage des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes, le changement climatique, la pollution, et les espèces invasive18s. L’érosion croissante de la biodiversité à l’échelle mondiale menace directement les conditions d’existence de notre société et notre économie. En France, 44 % de la valeur ajoutée brute dépend fortement ou très fortement du capital naturel19. Cela représente plus de 80Md€ de chiffre d’affaires et des centaines de milliers d’emplois20. Les secteurs les plus dépendants de ces services écosystémiques sont l’agriculture, l’industrie alimentaire, la construction et les activités immobilières21

Dans certains cas, les services non-marchands rendus par les écosystèmes dépassent la valeur des biens et services marchands. Par exemple, la récolte de bois rapporte 2Md€/an, mais les Français enquêtés seraient prêts à payer 5 fois plus pour se rendre en forêt22. Les écosystèmes apportent aussi des services de régulation comme la modération des évènements extrêmes, la pollinisation ou la prévention de l’érosion. Le chiffrage de la valeur économique des écosystèmes est à la fois difficile et questionnable : peut-on attribuer une valeur marchande à la biodiversité ? De plus, les zones naturelles peu exploitées ont une valeur en services écosystémiques significativement supérieure à celle des zones cultivées23.

L’érosion de la biodiversité, notamment en ville, implique des coûts sanitaires. En effet, la végétation présente de nombreux bénéfices pour la santé24 : réduction des îlots de chaleur, purification de l’air, réduction du stress, amélioration de la cohésion sociale et des pratiques sportives25

18 Trésor-Eco (2021) Évaluations économiques des services rendus par la biodiversité. (Cliquer ici)

19Ibid

20Efese (2020). Rapport de première phase de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques. (Cliquer ici)

21 Trésor-Eco (2021) Évaluations économiques des services rendus par la biodiversité. (Cliquer ici)

22 Efese (2020). Rapport de première phase de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques. (Cliquer ici)

23 Trésor-Eco (2021) Évaluations économiques des services rendus par la biodiversité. (Cliquer ici)

24Le Monde (2021) La nature, ce poumon vert qui dope notre santé. (Cliquer ici)

25L’agenda vert (2017). La végétation et l’habitat. Un résumé des bienfaits de la végétation sur le bien-être dans l’environnement domestique. (Cliquer ici)

Un gouffre financier qui doit être réduit

Par nos activités industrielles et agricoles et nos modes de vie, nous avons pollué l’air, les sols, l’eau et les écosystèmes. Tout cela représente des coûts importants, à la fois économiques, probablement plusieurs centaines de milliards d’euros par an pour les ménages, les collectivités et les professionnels, mais aussi des coûts sociaux et sanitaires particulièrement élevés. Continuer ainsi conduit à la sixième extinction des espèces, y compris la nôtre. Prendre les bonnes décisions en réfléchissant au-delà de 5 ans et en faisant confiance aux scientifiques permettra de limiter la casse planétaire et diminuera les coûts de réparation.

La pollution sonore 

Les principales sources de bruit sont très variables à travers le territoire francilien. Celles-ci peuvent aussi bien être routières, aériennes et ferrées que provenir de la vie nocturne, des chantiers et des activités industrielles. Bruitparif estime que, pour le bruit du transport, le coût sanitaire de la région Île-de-France s’élève à 22,5 Md€/an26. Ces coûts correspondent aux 158 000 années de vie en bonne santé perdues chaque année du fait des perturbations du sommeil, de la gêne, des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, des troubles anxiodépressifs, du diabète de type 2 et des difficultés d’apprentissage27 induites par le bruit des transports, et des 496 décès prématurés du fait de cardiopathies ischémiques induites par le bruit routier. Il inclut également les coûts de consommation de médicaments et d’hospitalisations associées à des pathologies générées par le bruit des transports. S’agissant des coûts non sanitaires engendrés par la perte de productivité et la dévalorisation du patrimoine, Bruitparif estime que ceux-ci s’élèvent à 3, 4 Md€/an. 

Les bruits de voisinage (particuliers, chantiers et activités) coûtent quant à eux 10 Md€/an de pertes, ce qui correspond aux troubles de la santé mentale, aux maladies cardiovasculaires, à la gêne et aux perturbations du sommeil. Les coûts non sanitaires, pour leur part, s’élèvent à environ 0,5 Md€/an. 

Enfin, le bruit sur le lieu du travail ou d’étude représente un coût d’environ 3,5 Md€/an. Cela comprend les maladies professionnelles et accidents du travail, les difficultés d’apprentissage, les déficits auditifs et les gênes. Pour les coûts non sanitaires (perte de productivité), ceux-ci sont d’environ 1,8 Md€/an.

Le coût sanitaire annuel total du bruit en Île-de-France est donc estimé à 36 milliards d’euros par an, tandis que les coûts non-sanitaires sont estimés à environ 6 Md€/an. 

26Bruitparif (2021). Le coût social du bruit en Île-de-France. Rapport d’étude. (Cliquer ici)

27Les difficultés d’apprentissages sont considérées par l’OMS comme des impacts sanitaires du bruit

La pollution de l’eau 

La pollution des eaux de surface et des nappes phréatiques provient principalement des secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des transports. 

Le secteur agricole porte une large responsabilité dans la contamination de l’eau. Ainsi, le coût du traitement annuel de pollutions liées à l’agriculture et à l’élevage (nitrates et pesticides) dissous dans l’eau serait supérieur à 54 Md€/an28. Soit, rapporté à la population francilienne, plus de 9 Md€/an en Île-de-France.  Pour les ménages, cela représente un surcoût pouvant s’élever jusqu’à 215 € par personne dans les zones les plus polluées29. De plus, le coût de dépollution des eaux souterraines en France (théorique) est estimé à au moins 522 Md€, en fonction des niveaux de pollution par les nitrates et les pesticides30. Rapporté à la superficie de l’Île-de-France (2,2% du territoire de la France métropolitaine) cela équivaut à un minimum de 11 Md€. 

Ainsi, le soutien aux agriculteurs bio coûterait 28 fois moins cher que la dépollution de l’eau liée aux pratiques agricoles polluantes31

Enfin, les aides des agences de l’eau consacrées à la lutte contre les pollutions (construction et amélioration de stations d’épuration et de réseaux de collecte des eaux usées, mise en place de procédés de production plus propres, etc.) ont représenté 10,8 Md entre 2013 et 2018  au niveau national32. L’île-de-France représentant environ 20% de la population française, nous pouvons estimer que ces coûts dans la région se sont élevés à plus d’1 Md€ entre 2013 et 2018. (chercher données de l’Agence Seine Normandie).

28 Service de l’Économie, de l’Évaluation et de  l’Intégration du Développement Durable (2011). Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau. Cliquer ici)

29Collectif Nos services publics (2024). Rapport sur l’état des services publics. (Cliqiuer ici)

30Ibid

31Générations Futures (2017). Le coûts des pollutions agricoles. (Cliquer ici)

32Le service des données et études statistiques en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (2020). Eau et milieux aquatiques. Les chiffres clés. (Cliquer ici)